Musique en ligne: Eminem réclame 3,8 millions de dollars à Universal

par Sophian Fanen
publié le 24 février 2012 à 17h35

L'affaire dite «Eminem contre Universal» rebondit en cette fin de semaine avec la publication par The Hollywood Reporter d'un audit commandé par FBT Productions, producteur du plus célèbre des rappeurs blancs depuis 1995, qui estime qu'Universal Music Group (UMG) lui doit 3810256 $ (2,84 millions d'euros) au titre de royalties de ventes en ligne non versées entre le 1er juillet 2005 et le 31 décembre 2009 (les années suivantes doivent suivre dans un autre dossier).

Comment en est-on arrivé là? En 2009, FBT, qui a licencié la musique de son artiste à Aftermath Entertainment, le label de Dr. Dre lui même propriété d'Universal Music Group, estime qu'UMG a lésé le rappeur en considérant que les téléchargements et sonneries, vendus principalement via le iTunes Store, étaient équivalent à des ventes physique et donc soumis au versement de 12% de royalties comme le stipule le contrat liant les deux parties. Pour FBT, il s'agit plutôt d'une licence, et les royalties doivent donc être calculées sur la base du 50/50 négocié dans ce cas.

« Lorsque les contrats étaient négociés avant Internet, décrypte Pierre-Marie Bouvery, avocat au barreau de Paris spécialisé dans le droit du monde artistique, on a prévu des royalties payées sur la vente en magasin et une utilisation secondaire. Cette utilisation secondaire, c'est par exemple l'utilisation d'une musique dans une publicité ou un film, ou dans un spectacle vivant. C'est une cession pour un temps déterminé. Pendant longtemps, cette exploitation était aussi secondaire en terme de chiffre d'affaires. Puis, lorsqu'il a fallu rémunérer les artistes pour l'exploitation de leurs œuvres sur Internet, les maisons de disques ont considéré qu'il s'agissait d'une vente et appliqué les royalties en fonction.»

L'un des arguments des artistes est que les royalties de vente ont été négociées à une époque où les maisons de disques avaient de lourds frais de fabrication et de distribution des disques, en vinyle, cassette ou CD. Des frais qui disparaissent presque totalement dans l'univers numérique.

Extrait de l'audit commandé par FBT, le producteur d'Eminem. Photo DR.

Vous suivez à peu près? Après procès en première instance et appel, la Cour suprême des Etats-Unis avait refusé en mars 2011 de se saisir du dossier, validant du coup la position de FBT. Depuis, chaque camp fait ses comptes et se prépare pour un nouveau procès qui s'ouvrira le 4 avril. D'où l'audit commandé par le camp Eminem, qui en plus ajoute au dossier tout un tas de budgets mal calculés, comme un accord négocié pour l'utilisation d'un sample d'Aerosmith… Mais la somme importante, ce sont ces 3,8 millions de dollars sur lesquels UMG et FBT doivent trouver un accord avant de laisser un juge décider pour eux.

D'autant que d'autres affaires similaires sont en cours, qui concernent là aussi d'anciens contrats. Le chanteur Rob Zombie et les héritiers du soul man seventies Rick James ont ainsi lancé une class action sur le même sujet en avril 2011, acceptée par la justice californienne en novembre. Pour la cour, Universal Music Group a créé «une méthode de décompte et de paiement de royalties opaque et artificielle» .

Depuis le début du mois de février, une autre class action oppose entre autres les Sister Sledge, stars disco déchues chanteuses du tube We Are Family , à Warner Music Group – toujours sur le même principe. Et Sony Music n'est pas en reste, puisque les Allman brothers et Cheap Trick l'attaquent de leur côté...

Début 2011, Pink Floyd avait obtenu un accord avec EMI.

Selon une estimation du site Future of Music , cette affaire de royalties aux multiples ramifications pourrait concerner quelque 2,5 milliards de dollars pour le seul Store d'Apple. «Mais ça n'ira pas plus loin, selon Pierre-Marie Bouvery. Tous les contrats conclus depuis dix ans précisent les royalties payées pour la vente en ligne et le streaming, et on applique en général un taux identique entre la vente et la licence. En France, à la fin des années 1990, les maisons de disques ont souvent discuté avec les artistes ou leurs ayants droit pour leur faire signer un avenant sur ce sujet. Il n'y a à ma connaissance aucun dossier du type "Eminem" en cours chez nous.»

Lire les réactions à cet article.

Pour aller plus loin :

Dans la même rubrique

Les plus lus