Musique en ligne : Jiwa réduit au silence

par Andréa Fradin
publié le 3 août 2010 à 16h24
(mis à jour le 4 août 2010 à 11h26)

Certains y voient la fin des sites de musique en ligne indépendants. Une chose est sûre, c'est un coup dur pour les fondateurs de Jiwa , plateforme française d'écoute de musique en ligne lancée en 2008, et contrainte de mettre la clé sous la porte. Le tribunal de commerce de Paris a prononcé la liquidation judiciaire du site le 29 juillet dernier, indiquait en début de matinée ReadWRiteWeb ; information ensuite confirmée par l'un de ses fondateurs, Jean-Marc Plueger.

Mais pour le chef d'entreprise , les responsables de cet échec sont tout désignés: les majors, qui imposent aux plateformes de streaming «un modèle impossible à tenir sur le long terme». Première condition à tenir: un «minimum garanti» à reverser pour l'obtention et l'exploitation des catalogues des maisons de disques, sur un période donnée. Selon les chiffres révélés par le patron de Jiwa à l'Express en janvier dernier, les chiffres iraient de 100000 euros pour 18 mois (Warner) à 400000 euros pour un an pour Sony Music. Pour Universal, la somme était de 180000 euros par tranche d'une année, contre 250000 pour EMI. S'ajoute à ce minimum le paiement aux ayants droit de un à trois centimes d'euros par écoute.

Pour Jean-Marc Plueger , Universal mis à part, ces exigences «étaient déraisonnables et ne correspondaient pas au niveau de chiffre d'affaires qu'on pouvait réaliser en exploitant leurs catalogues. » Avec 300000 euros de chiffres d'affaire, Jiwa devait régler un million d'euros aux majors, rien que pour les minimums garantis. Une situation qui a plongé le site dans une dette de 2 millions d'euros.

En janvier déjà , Jean-Marc Plueger accusait les majors de rendre «le business de la musique sur Internet impossible.» «Les conditions commerciales imposées par les majors font qu'aucun business de musique sur Internet n'est viable. Même pour Deezer, qui est le leader! Ils font du trafic, mais ils n'arrivent pas à la rentabilité. Il n'y a qu'Apple qui rentre dans ses frais avec l'iTunes Store, et encore...» , confiait-il à l'Express.

Un dépit qui a marqué le début de la fin pour Jiwa, qui perdait un mois plus tard le catalogue Warner Music , faute d'avoir pu verser à la maison de disque le fameux «minimum garanti» .

L'annonce de l'arrêt de Jiwa survient quelques jours à peine après que le rapprochement entre Wormee, site de musique en ligne d'Orange, et Deezer, le plus gros des poissons français dans le marché des plateformes de streaming musical, a été dévoilé . De quoi alimenter les regrets de certains, pour qui ces différents évènements marquent la fin des sites de musique en stream indépendants, qui laisseraient ainsi libre cours aux géants de la musique en ligne, comme iTunes.

Interpelée sur Twitter , Nathalie Kosciusko-Morizet a déclaré qu'elle tentait «d'accélérer la mise en œuvre du rapport Zelnick injustement réduit a la taxe Google» . «Il y a les bonnes réponses» , a-t-elle ajouté. Remis en début d'année, le rapport en question cherchait à renforcer les offres légales sur Internet, en préconisant l'instauration d'un «régime de gestion collective» . A l'instar des accords passés avec les stations de radio, cette licence permettrait aux plateformes de musique d'accéder aux catalogues dans des conditions identiques et sans devoir passer par les minimums garantis.

De son côté, Jiwa ne fermera pas tout de suite. Toujours en ligne, il «devrait continuer à l'être dans les prochains jours, mais dans un mode dégradé » , a indiqué Jean-Marc Plueger.

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