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Libération

Musique en ligne: les petites mains se rebiffent

par Sophian Fanen
publié le 16 décembre 2011 à 16h01
(mis à jour le 16 décembre 2011 à 16h43)

Profitant de l'agitation politique en ce début de campagne présidentielle, la Spedidam (la société de perception des droits des artistes-interprètes, qui en gros défend les musiciens de studio quand la Sacem se préoccupe des auteurs) a réuni hier un colloque sur un thème qui lui est cher: la rémunération des artistes dans l'économie numérique.

«Aujourd'hui, a expliqué son président, Jean-Paul Bazin, les interprètes que l'on dit secondaires ne touchent en très grande majorité rien lorsque leur travail est exploité en ligne, aussi bien dans la vente que dans le streaming.» La faute, selon la Spedidam, à une convention collective signée en 2008 par des syndicats «peu représentatifs» (le SNAM-CGT et la FNSAC-CGT), qui considère que l'ensemble des droits dus à un interprète secondaide sont payés lors des sessions d'enregistrement auxquelles il participe. La Spedidam essaye actuellement de faire annuler ce texte en justice, considérant qu'il «n'est pas à l'avantage des artistes et viole des textes internationaux» . «Concrètement, un guitariste, un batteur, un bassiste, aussi créatif soit-il, recevra une centaine d'euros pour solde de tout compte et cela même si l'enregistrement est un vrai succès et génère d'importants revenus en ligne», continue Jean-Paul Bazin.

Cette bisbille complexe (lire sur le sujet ces échanges houleux entre les deux parties en 2008), qui concerne tout de même 32000 artistes membres, a eu pour conséquence directe d'écarter la Spedidam des discussions et négociations qui ont abouti à la création des services musicaux légaux en France (vente directe ou streaming), les producteurs considérant que les artistes secondaires n'étaient pas concernés, ayant déjà été rémunérés pour leur travail. La Spedidam défend une vision différente et en remet donc une couche alors que les oreilles du monde politique sont plus sensibles et que les partis s'écharpent sur l'avenir de l'Hadopi. Au-delà de cette question de la rémunération de ses artistes, la Spedidam a en effet défendu ce qu'elle défend depuis longtemps face à la voie répressive choisie par le gouvernement: la remise à plat de la répartition des droits générés par la musique en ligne et la gestion collective obligatoire.

Dans ce combat, elle peut s'appuyer sur Europe écologie-les Verts, représentée lors du colloque par Corinne Rufet, déléguée nationale aux politiques culturelles, qui s'est dit «favorable à l'entrée de la Spedidam dans les droits numériques, via une réévaluation complète de la filière qui passe par l'abrogation d'Hadopi. Il faut avoir le courage politique de dire aux grands groupes de l'industrie culturelle que ce n'est pas à eux de décider des politiques publiques.» Une référence aux pressions du lobby des majors du disque lors des discussions qui ont mené à la création d'Hadopi, et un petit tacle en direction des hésitations du Parti socialiste sur l'avenir de la haute autorité, qui n'ont pas été éclaircies hier par Aurélie Filippetti, responsable du «pôle culture» dans l'équipe de François Hollande.

La député de Moselle est revenue sur sa proposition du jour: la création d'un «pack culturel pour la jeunesse» , une «plateforme globale» (musique, cinéma...) dans laquelle les étudiants pourraient piocher à l'envi et légalement, dont le prix serait intégré à leurs droits d'inscription universitaires ou équivalents. Aurélie Filippetti souhaite également «sortir du système Hadopi» , considérant qu'il n'a «pas apporté un euro aux ayants droit» et est purement répressif. Elle a évoqué à la place «une pluralité de solutions» , qui sont encore «en pleine concertation» . Cette pluralité écarterait la licence globale, jugée «anxiogène pour les industries culturelles» , et mêlerait plutôt contribution des internautes, contribution des acteurs de l'internet comme les fournisseurs d'accès, et une lutte contre les échanges illégaux qui serait confiée à une instance qui, de fait, reprendrait certaines des prérogatives d'Hadopi...

Aurélie Filippetti a également évoqué un renforcement du rôle du Centre national de la musique, dont la création a été annoncée le 18 novembre par Nicolas Sarkozy, et la mise en place d'un «système de jumelage» entre des établissements scolaires et des artistes (interprètes ou auteurs), afin de «replacer l'éducation artistique au cœur de l'école» et de «renforcer les liens entre les plus jeunes et la notion de création» .

Quant à l'UMP, représentée par son secrétaire national en charge des nouvelles économies, Benjamin Lancar, elle a souhaité que «tous les partenaires discutent afin que quelques artistes ne se sentent pas volés» , et qu'Hadopi puisse continuer son travail qui «protège la création en aidant les majors du disque» (sic).

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