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Libération

Musique: pas touche aux sons de YouTube!

par Sophian Fanen
publié le 19 juin 2012 à 17h27

Google est fâché contre Youtube-mp3.org, un site allemand qui permet d'extraire le son de vidéos YouTube et de les convertir en mp3 directement dans un navigateur, sans même passer par un programme extérieur. L'avantage est de pouvoir ensuite utiliser ce fichier isolé dans un baladeur, et c'est parfois (souvent) la seule façon d'écouter un morceau indisponible ailleurs, YouTube étant devenu la première discothèque du monde en permettant à ses utilisateurs d'uploader n'importe quel titre, dont la diffusion peut être ensuite valorisée auprès des ayants droit qui le souhaitent en échange de publicité.

Ça, c'est selon la vision de Google, qui n'aime pas voir un pilier de ses revenus sur YouTube lui échapper. D'où le coup de pression de l'entreprise contre Youtube-mp3.org, qui suit d'autres actions contre d'autres sites permettant la conversion de contenu YouTube vers d'autres formats.

Le 8 juin dernier, révèle TorrentFreak , les avocats du géant de l'Internet ont ainsi adressé un courrier bien sec au tenancier de Youtube-mp3.org, lui donnant une semaine pour mettre fin à ses activités qui, selon Google, sont interdites par les conditions générales d'utilisation de YouTube . «Séparer, isoler ou modifier la partie audio ou la partie vidéo de tout contenu audiovisuel de YouTube mis à disposition via son API» n'est pas autorisé, affirme le courrier de Google. Qui n'a eu aucun effet. Faute d'obtenir la peau de Youtube-mp3.org aussi facilement, Google a carrément bloqué l'accès à l'API de YouTube de tous les serveurs du site allemand.

Ce à quoi le responsable de Youtube-mp3.org, qui signe sous le simple prénom Philip, répond dans une lettre adressée à ses utilisateurs: «Nous avons refusé de fermer et avons demandé à rencontrer un représentant de YouTube pour trouver une solution qui serait dans l'intérêt de tous nos utilisateurs. Il y a des dizaines de millions de personnes bien réelles qui utilisent ce service, et nous avons pensé que Google serait prêt à avoir un brin de causette avec nous, mais c'est le contraire. [...] Nous estimons qu'il y a environ 200 millions de personnes à travers le monde qui font usage de services comme le nôtre, et Google ne se contente pas de les ignorer: ils sont sur ​​le point de les criminaliser. Etant donné la façon dont ils ont créé leurs CGU, et la façon dont ils les interprètent, ces 200 millions d'utilisateurs sont menacés d'être poursuivis en justice.» On retombe dans le blocage fondamental de l'Internet actuel: l'internaute a peu de droits, mais le devoir de respecter les règles que des entreprises lui imposent.

Suivant une logique plus partageuse que mercantile, Youtube-mp3.org se défend ainsi de faire de l'argent avec son service d'extraction, expliquant avoir très peu de publicités (ce qui est vrai) et demander à ses utilisateurs -- dans ses très succinctes conditions générales d'utilisation -- de «ne pas redistribuer les fichiers convertis» et de «ne pas utiliser le service pour enfreindre les droits d'auteur» . On pourra bien sûr lui rétorquer qu'il est un peu naif et/ou idéaliste (et/ou un peu faux-cul).

Le dénommé Philip cite plus loin, pour défendre sa vision des choses, plusieurs affaires dans lesquelles Google est accusé de faire de l'argent sur le dos d'autres acteurs d'Internet. Google News? «Un super service, qui a soulevé beaucoup de critiques en Allemagne . La plupart des grands éditeurs ne voulaient pas que Google puisse extraire le contenu de leurs sites pour en tirer profit. Qu'a fait Google? Ils ont expliqué vouloir aider leur utilisateurs et ont ignoré les éditeurs.» Google Books? «Un autre super service, mais il y a aussi des éditeurs et des auteurs qui ne veulent pas que leurs livres soient numérisés. Est-ce que Google s'en préoccupe? Bien sûr que non.» C'est effectivement le cas en Allemagne, désormais un peu moins en France.

Dans cette affaire, Google se retrouve donc dans la position du méchant qui défend bec et ongles le business qu'il a imposé, faisant de YouTube non seulement la première plateforme de diffusion de contenu vidéo au monde, mais aussi un canal privilégié pour les clips musicaux et les avant-premières, l'industrie du disque s'étant convaincu que le choix de la vidéo empêcherait la fuite d'un mp3 à travers tout l'Internet.

Il n'en n'est bien sûr rien, l'échange l'emportant toujours sur les barrières imposées. On souhaite bien du courage à Google.

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