MySpace, un pied hors de la tombe

par Sophian Fanen
publié le 20 novembre 2012 à 17h48
(mis à jour le 20 novembre 2012 à 18h55)

Après une longue enquête interne, il semblerait que le dernier article sur MySpace écrit dans ces pages date du 8 février 2011. C'est dire à quel point l'ancienne star interplanétaire des Internets a disparu du paysage. Trop moche, trop lourd, trop figé face à Facebook (pour la sociabilité), Bandcamp et Soundcloud (pour la musique), Instagram, Tumblr, Twitter...

Racheté en 2005 pour 580 millions de dollars (452 millions d'euros) par News Corporation (Fox News, Wall Street Journal , Twentieth Century Fox), revendu pour 35 petits millions de dollars (27 millions d'euros) fin juin 2011 à Specific Media , une entreprise spécialisée dans la publicité en ligne, la lente agonie de MySpace a fait peine à voir.

Mais le site américain compte bien revivre à nouveau, et détaille son plan de bataille pour l'année 2013 dans un document interne diffusé hier par le site spécialisé Business Insider . MySpace serait ainsi en train de faire le tour des investisseurs afin de lever 50 millions de dollars (39 millions d'euros) et de se lancer comme un service de musique en ligne au deuxième trimestre de l'année prochaine. Un service de streaming sur «mobile par abonnement» tout d'abord, puis de téléchargement à l'acte. Une refonte qui s'appuiera sur le nouveau relookage déjà présenté mi-septembre et qui a eu plutôt bonne presse depuis. Le nouveau nouveau nouveau MySpace est très graphique, très porté sur la photo, ressemble à un entre-deux entre Facebook et Pinterest… mais on ne comprend pas vraiment s'il s'adresse à des musiciens ou à n'importe quel internaute qui souhaiterait y raconter sa vie.

Pour convaincre ses futurs nouveaux nouveaux nouveaux actionnaires, MySpace détaille tout d'abord son bilan actuel dans ses documents: d'accord, le site a généré 15 millions de dollars de chiffre d'affaires en 2012 contre 9 millions l'an dernier, mais pour des pertes qui s'élèvent déjà à 43 millions de dollars alors que l'année n'est pas finie. Depuis fin 2011, une ancienne nouvelle version (oui nous aussi on s'y perd) du site aurait tout de même permis à MySpace de gagner «36% de trafic» .

Les pertes de MySpace et les projections de sa maison-mère, Specific Media. Document Interne.

Le chiffre est difficile à analyser. Une simple recherche sur Alexa (qui ne prend qu'une partie du trafic en compte) permet de constater que le nombre de visites sur MySpace.com a continué de diminuer entre 2011 et 2012, mais que la chute tend à ralentir. Même constat sur Google Trends (qui décompte les recherches).

MySpace compte bien inverser ces courbes en revenant à son premier amour:

l'argent

la musique. Pour cela, l'entreprise compte sur ses beaux restes de pionnier du genre: un catalogue de musique riche de 42 millions de titres, qui se partagent entre artistes amateurs, indépendants et signés sur l'une des trois majors du disque. MySpace avait d'ailleurs conclu un partenariat avec ces dernières en 2008, qui devait créer

, MySpace Music. MySpace gagnait le droit de diffuser la musique de ses nouveaux partenaires à l'infini, en échange d'un partage à 50-50 de ses revenus publicitaires. C'est ce partenariat qui serait donc en train de prendre forme.

L'entreprise confronte ensuite son modèle à ses deux concurrents annoncés, Pandora et Spotify — ce qui est déjà une vision biaisée, tant les parts de marché de ces deux services sont minimes aujourd'hui face aux vrais géants du contenu en ligne que sont Apple, Google et Amazon. «L'un des plus gros enjeux des services de streaming musical, explique le document interne, c'est le coût du contenu» , c'est-à-dire le coût d'accès aux catalogues (il faut payer des licences) et les diverses royalties reversées sur chaque lecture. Mais MySpace aurait «un avantage significatif» face à ses concurrents: un catalogue de «27 millions de chansons d'artistes non-signés, qui représente 50% des chansons» qui y sont écoutées aujourd'hui. Des titres qui ne sont soumis à aucun versement.

Comparatif des droits négociés par MySpace, Spotify, Pandora et YouTube, ainsi que leurs catalogues disponibles. Document interne.

On peut comprendre que MySpace vende son projet dans un document interne en fermant un peu les yeux sur la réalité, mais on ne peut que s'interroger (comme le fait aussi TechCrunch ) sur sa capacité à exister dès 2013 dans le monde déjà très complexe et encombré de la musique en ligne. En effet, si les chansons des artistes non-signés représentent actuellement la moitié des lectures sur MySpace, c'est avant tout parce que les autres artistes ont déserté le site pour Bandcamp ou d'autres havres plus modernes. On peut aussi faire remarquer que ce ratio tombera bien vite si les auditeurs reviennent chez MySpace, car ils ne reviendront pas pour y découvrir les talents cachés du futur, mais plutôt pour écouter le nouveau Rihanna.

Quant aux royalties, même si MySpace s'appuie sur des chiffres venus d'un Internet qui n'existe plus, on peut parier que ses accords seront revus au premier bénéfice annoncé. Les majors et les divers représentants des lobbies de la musique ne sont pas là pour les bonnes œuvres mais pour le business.

Au final, les documents diffusés par Business Insider montrent avant tout une entreprise à terre qui tente un dernier baroud d'honneur en levant 50 millions de dollars. C'est beaucoup et peu en même temps, et en tout cas moitié moins que Spotify il y a une semaine , et que Deezer début octobre .

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