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Libération

N'est-il pas déjà trop «Star»?

par Raphaël GARRIGOS et Isabelle ROBERTS
publié le 9 décembre 2012 à 13h00
(mis à jour le 10 décembre 2012 à 15h20)

A côté, la comète de Halley - prochaine apparition le 28 juillet 2061, soixante-quatorze ans après son dernier passage - est une grosse squatteuse. C'est bien simple, dans toute l'histoire de l'humanité, jamais, au grand jamais, nous n'avions assisté à pareille conjonction astrale : la diffusion simultanée de Star Academy et Nouvelle Star. Bien la peine que la Nasa se casse la nénette à expédier des robots à la con déceler des crottes de Martiens quand c'est là, à portée de doigts boudinés sur la télécommande, que se produit cet étonnant événement, sur NRJ12 et D8. Jeudi, la première a ressuscité Star Academy hardiment agrémenté du vocable «revolution» (prononcez «rivoloucheune»). Mardi, la seconde exhume Nouvelle Star. Et c'est parti pour trois mois de l'une et de l'autre. En huit saisons chacune (à partir de 2001 pour Star Ac et de 2003 pour Nouvelle Star ), jamais ces télé-réalités musicales ne s'étaient chevauchées, l'une s'étalant à l'automne, l'autre annonçant le printemps, les deux se succédant harmonieusement, évitant à nos oreilles l'usage du Sonotone (1). Là, les deux à la fois, ça va être rillettes et beurre, Nutella et miel, Copé et Fillon, soit beaucoup, beaucoup trop. Tranchons dans le plus très vif : Star Ac moisie ou Nouvelle Star zombie?

Embaumement

«Eh les gars, et si, pour faire de l'audience, on récupérait des vieux trucs qu'en faisaient plein, de l'audience, il y a dix ans ?» Y a pas, à NRJ12 comme à D8, on tient des champions. Et à NT1 aussi d'ailleurs, qui est en train, façon Frankenstein, de nous créer une bien étrange créature : un nouveau Bachelor, le gentleman célibataire prévu début 2013. Le ressort habituel, lâche et distendu, de la régression, ordinaire soupe pour vieux pots cathodiques. Souci : ni NRJ12 ni D8, malgré son riche daron Canal +, n'ont les moyens de TF1 et de M6. Du coup, c'est à la truelle que se pratique l'embaumement. Un tout petit château pour Star Ac au lieu du gros de Dammarie-les-Lys pour TF1 (dont, certes, les ailes étaient en carton) et après les primes, les candidats rentreront en stop (bon, c'est pas vrai, mais on a un angle à tenir). Pour Nouvelle Star aussi, on a révisé le budget : au lieu du pavillon Baltard, ce sera une tente Quechua en bord de périph (oui bon, un chapiteau sur - gaffe, c'est un scoop - l'île Saint-Germain à Billancourt et même, selon un témoin anonyme, «une yourte chamanique» ).

Recyclage

De même Nikos n'était-il pas dans les moyens de NRJ12. Et les présentateurs successifs de Nouvelle Star, même la prod a oublié leur nom. Du coup, chacune des deux chaînes a collé sa tête de gondole : Cyril Hanouna, animateur de la moitié de l'antenne de D8 (dont il est hélas à craindre qu'il chante son hymne, les Sardines de Patrick Sébastien), et Matthieu Delormeau, son alter ego de NRJ12. Où ce jeune veau élevé sous la mère chez Jean-Marc Momorandini ne fait pas que sortir les poubelles, il les présente aussi (Tellement vrai, les Anges de la télé-réalité, Hollywood Girls) . Il sera flanqué d'une certaine Tonya Kinzinger en qui les plus dégénérés de nos lecteurs auront reconnu l'ex-héroïne de Sous le soleil. Oui, NRJ12 qui fait déjà son miel d'anciens candidats de télé-réalité en les faisant turbiner dans les Anges et autres Hollywood Girls, pousse très loin le concept de recyclage.

Récupération

Et Endemol, qui fourgue Star Ac à NRJ12 comme naguère à TF1, a bien compris l'esprit maison : la récup . Le prof de danse Haspop (qui, contrairement à ce que son nom indique, ne fait pas des bulles avec ses fesses) ? Extirpé de La France a un incroyable talent, sur M6. La directrice ? Charlotte Valandrey, rescapée des Cordier, juge et flic. La prof d'expression scénique ? Juliette Solal, fauchée à Nouvelle Star (l'ancienne, suivez un peu) où elle s'occupait des castings. Le prof de chant Rachid Ferrache ? Alors là, tenez-vous bien (tenez-vous mieux) : le gamin dans le film de 1982 Mille milliards de dollars, c'est lui (et aussi celui de l'As des as ). Ah ah, ça vous en bouche un coin ? Depuis, semble-t-il, il chante. Et, enfin, le «coach sportif et mental» de Star Ac ? Celui qui remettra les candidats dans le droit chemin de la motivation parce que dehors, c'est rien que du bonheur et que si tu veux tu peux égaler la carrière des 1D ? Pascal. Le. Grand. Frère. Viré de TF1, aussitôt recruté par le Pôle Emploi de la télé-réalité, alias NRJ12. En face, dans le jury de Nouvelle Star, on tente de faire bonne figure : la reine du funk Anne Sinclair (ou est-ce le chanteur Sinclair ?), Olivier Bas dont on n'a pas bien compris qui il est, Maurane (navrés, on n'a strictement rien à dire sur Maurane) et Dédé qui, selon nos informations, est en fait vendu avec le concept de l'émission, une clause non négociable.

Réchauffage

Alors bon : certes, il y a rabiotage, recyclage et réchauffage, mais encore faut-il respecter la charte du gros barnum de Star Ac et de la hype 2002 de Nouvelle Star . A commencer, pour la première, par l'intangible règle de la robe rouge. C'est dans les écritures et vérifié d'édition en édition (les trois premières, les autres n'existent pas) : de rouge tu te revêtiras, Star Ac tu remporteras. Chez Nouvelle Star, il ne faudra pas se tromper : le gagnant n'est pas le gagnant (jurisprudence Amel Bent de 2004 et son alinéa de 2009 Camélia Jordana), sauf quand c'est le contraire (jurisprudence Julien Doré de 2007 et son codicille de 2006 Christophe Willem). Dans Star Academy, faut que ça chouine : tel candidat chantant Mon vieux de Daniel Guichard devra, aux trois quarts du hit, voir arriver dans son dos son vieux pôpa. O-bli-ga-toi-reu (et ça vaut bien sûr pour Si maman si, la Mamma, Mon frère, Papa chanteur et, au besoin, Petit papa Noël ). Dans Nouvelle Star, il faut le scandale habituel du jury outré par le choix de «merde dans les oreilles» du public. Et, évidemment, la reprise super-décalée-tu-vois-qui-révèle-toute-l'essence-et-l'émotion-de-la-chanson-populaire. Après les Bêtises par Julien Doré et Gigi l'amoroso par Luce, nous exigeons une version low-fi et légèrement malaisante de Big Bisou .

(1) Oui, on dirait une chanson d’Hélène Ségara, mais faut bien qu’on se mette au niveau.

Paru dans Libération du 8 décembre 2012

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