New York sous les «Pixels»

par Erwan Cario
publié le 19 avril 2010 à 13h20

Un homme dépose une vieille télé cathodique sur un trottoir de New York. Il s’éloigne. L’écran s’allume. Une bombe stylisée apparaît. Elle explose et le tube de la télé avec. Une marée de petits cubes colorés s’en échappe et s’apprête à prendre la Grosse Pomme d’assaut.

C'est ainsi que débutent les deux minutes et quarante-trois secondes de Pixels , le court métrage de Patrick Jean qui enflamme le Net depuis le vendredi 9 avril . Sur Dailymotion, il a atteint le million de visionnages en à peine plus de vingt-quatre heures. Et il a largement dépassé le troisième million depuis. C'est que le court titille la fibre nostalgique des gamers. Les petits cubes ont vite fait de s'assembler pour incarner tous les grands symboles du retrogaming : les Space Invaders, Pac-Man, Donkey Kong, et même de viles pièces de Tetris. Ces dernières arrivent à détruire des étages entiers de buidings en «complétant» les lignes architecturales.

Surtout, la technique et la réalisation sont dignes des grosses productions à effets spéciaux. Le premier choc visuel arrive lorsqu'un alien de Space Invader tire sur un taxi. Celui-ci se pixellise littéralement et se décompose en petits cubes jaunes.

Pixels est, à l'origine, un projet personnel réalisé en quatre mois et demi. «A l'origine, c'était une commande pour un clip , se souvient Patrick Jean. Mais vu la quantité de travail nécessaire, je n'ai pas pu le faire dans ce cadre-là. Je ne voulais pas l'abandonner non plus. C'est un peu Roger Rabbit adapté à l'univers du jeu vidéo. C'est aussi très inspiré par Ghostbusters et les grands films catastrophe. Ce qui m'a surtout amusé, c'est de mélanger deux univers qui ne collent pas ensemble, qui ont une physique complètement différente. Les éléments venus du jeu ne réagissent pas du tout à la gravité d'une manière logique.»

Patrick Jean n'arrive toujours pas à réaliser ce qui s'est passé avec ce qui n'est finalement que son deuxième court métrage : «On a mis le truc en ligne sans se douter un instant de l'impact qu'il allait avoir. Et puis on a vu le compteur de Dailymotion.» Un succès fulgurant qui ne connait évidemment pas de frontière. «Le jour, je reçois des coups de fil de la France, et la nuit, des Etats-Unis , rigole-t-il. J'ai plusieurs contacts avec des agents et des producteurs à Hollywood, mais il faut maintenant faire le tri et prendre un peu de recul.»

Il y a quelques mois, un Uruguayen du nom de Fede Alvarez s'est fait connaître en mettant en ligne une vidéo de quelques minutes :des robots géants y attaquaient Montevideo façon Guerre des mondes . Un travail là aussi à la finition irréprochable. Le réalisateur Sam Raimi ( Spider-Man ) , séduit, aurait décidé de prendre Alvarez sous son aile. A 33 ans, Patrick Jean pourrait bien connaître pareille fortune : «J'ai l'impression d'avoir changé de métier en quelques heures. J'étais graphiste. Aujourd'hui, je suis peut-être réalisateur.»

Paru dans Libération du 17/04/2010

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