Menu
Libération
Interview

«Nous comptons faire le ménage»

Leslie Basse, juriste à la Cnil, détaille les lois françaises contre le spam :
par Sébastien Delahaye
publié le 10 août 2007 à 9h08

Juriste attachée à la division des affaires économiques de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil), Leslie Basse revient pour Libération sur l'évolution des textes.

Quel est le statut du spam en France ?

Le spam est une pratique illicite, interdite par une législation européenne de 2002 qui a introduit le principe de consentement préalable. Cette directive a été transposée en France par la loi pour la confiance dans l'économie numérique (LCEN), en 2004, qui permet d'avoir un cadre juridique. La Cnil a toujours considéré le spam comme illicite. Il est le plus souvent l'oeuvre de personnes malveillantes, qui collectent des adresses mail à l'insu de leurs propriétaires. C'est en opposition au principe de «loyauté de la collecte», position que nous soutenons depuis 1999. La collecte illégale viole aussi le respect du principe de finalité : si je communique mon adresse mail sur ma page personnelle, c'est pour la partager avec mes lecteurs, pas pour recevoir de la publicité.

Y a-t-il des procès en France ?

En 2002, la Cnil avait dénoncé cinq entreprises françaises pour collecte commerciale illégale. A l'époque, la Cnil n'avait pas de pouvoir de sanction, et, pour le parquet, c'était un problème technique pas forcément prioritaire. L'un des procès est allé à son terme, et le spammeur a été condamné en cassation. Ce qui est intéressant, pour nous, c'est que la Cour de cassation a validé notre analyse et notre interprétation de la loi. A ma connaissance, il n'y a pas eu d'autre procès en France.

Concrètement, que fait la Cnil contre le spam ?

En 2002, la Cnil avait créé une «boîte à spams», où nous demandions aux internautes français de nous faire suivre leurs spams. Nous en avons reçu 350 000 en trois mois. Cela a débouché sur la dénonciation de cinq entreprises. Il s'agissait d'une opération ponctuelle, pour obtenir une photographie du spam en France à une période donnée. Pour prolonger l'expérience, il aurait fallu que la Cnil dispose de moyens supplémentaires. Toutefois, depuis la LCEN et le remaniement de la loi informatique et libertés, la Cnil dispose d'un pouvoir de sanction, ce qui nous donne une plus grande marge de manoeuvre. Nous participons à l'initiative Signal Spam (1), point d'entrée unique pour que les internautes signalent les spams qu'ils reçoivent. Signal Spam, auquel participent aussi les fournisseurs d'accès français, permettra d'obtenir et d'analyser un grand nombre de spams. Il n'y a pas encore eu de transmission de spams à la Cnil, mais nous élaborons une convention de partenariat avec Signal Spam, qui devrait être finalisée en septembre, et qui nous permettra, le cas échéant, d'appliquer des sanctions. Nous comptons d'abord faire le ménage chez nous, parmi les entreprises françaises identifiées comme spammeurs. Une coopération internationale est prévue. Nous participons à un groupe informel, à la Commission européenne, qui représente l'ensemble des autorités luttant contre le spam. Nous tenons des réunions régulières, qui ont déjà abouti à des coopérations avec la Belgique et l'Italie. Nous sommes aussi en contact avec la FTC (Federal Trade Commission), en charge des problèmes de spam aux Etats-Unis. Malgré cette prise de conscience internationale, il y a toujours des spams. L'idéal serait que tous les pays se dotent d'une législation.

Est-il encore possible d'éviter le spam ?

Il faut des lois, des outils techniques. Mais les spammeurs sont malins, ils trouvent toujours des techniques pour contourner les mesures mises en place. L'essentiel reste la sensibilisation des utilisateurs aux bonnes pratiques : ne pas communiquer son adresse n'importe où, faire attention aux pièces jointes et ne pas répondre aux spams. Certains sont porteurs de virus ou sont de véritables escroqueries. Récemment est apparu le phishing, une forme de vol d'identité passant par le spam. Il y a tout le temps de nouvelles pratiques malveillantes, la lutte n'est pas facile.

(1) http://www.signal-spam.fr/

Pour aller plus loin :

Dans la même rubrique