Nouvelles victoires contre la vente liée

Trois particuliers ont gagné un procès contre la vente liée des ordinateurs et de leur système d'exploitation. Alain Coulais, de l'AFUL, commente pour nous.
par Astrid GIRARDEAU
publié le 7 juillet 2009 à 11h20
(mis à jour le 7 juillet 2009 à 11h35)

Selon la loi, rien n'oblige à acquérir Windows quand on achète un PC. Mais pour la faire appliquer, c'est une autre paire de manches.

Si politiquement, les choses avancent très lentement, nous explique Alain Coulais de Racketiciel -- un collectif créé en 2006 par l' AFUL contre la vente liée des ordinateurs et des systèmes d'exploitation et logiciels préinstallés --, l'équipe se félicite de trois nouvelles victoires juridiques : à Chinon contre Acer le 7 avril, à Bourges contre Acer le 4 mai, et enfin à Nancy contre Packard Bell le 4 juin dernier.

Les trois affaires sont similaires. Après avoir acquis un ordinateur, l'acheteur a demandé au constructeur le remboursement du système d'exploitation. Dans les trois cas, le constructeur a conditionné le remboursement au renvoi de l'ordinateur dans ses ateliers. Une procédure contraignante considérée comme abusive par l'acheteur, qui l'a refusé. Et les trois fois, le juge a estimé que le constructeur n'avait pas à priver le consommateur de son ordinateur, et l'a condamné à verser une somme substantielle.

«Pour les tribunaux de proximité, on continue le combat en s'axant sur les clauses abusives , raconte Alain Coulais. Et les juges sont plutôt réceptifs» . Des petites victoires longues et laborieuses -- «les consommateurs qui se lancent dans de telles procédures sont courageux, car c'est long et usant, et la moitié arrêtent en cours de route» -- mais nécessaires, selon lui, à faire avancer le sujet au niveau national. D'ailleurs certains constructeurs ont mis en place une procédure pour ne pas obliger l'acheteur à renvoyer le matériel, alors que d'autres préfèrent donner de l'argent plutôt qu'aller au tribunal.

Des discussions ont eu lieu avec le bureau de Nathalie Kosciusko-Morizet, la secrétaire d'état en charge de l'économie numérique et les consultations continuent. Mais il n'y a rien de concret, regrette Alain Coulais. «Ils essayent d'amener les constructeurs à mettre en place des procédures homogènes et tolérables, mais certains, comme Dell et HP ne veulent pas en entendre parler» . Et de nous raconter que lors de l'audience UFC contre HP, le 29 juin dernier, HP s'est défendu en expliquant avoir un ouvert sur son site une rubrique pour le grand public leur permettant d'acquérir une machine sans OS. «Je vous défies de le trouver sur leur site, car c'est vraiment bien caché , réagit Alain Coulais. Et ils ont ensuite expliqué au juge qu'ils n'avaient vendu que deux machines par ce moyen-là» .

De son côté, l'UFC compte faire appliquer les jugements de deux procès que l'association de consommateurs a remporté l'année dernière, l'un contre Darty, l'autre contre Auchan. Concernant l'affaire Darty , le 24 juin dernier, le Tribunal de Grande Instance de Paris obligeaient, à travers Darty, tous les distributeurs français à afficher le prix des logiciels d'exploitation et d'utilisation pré-installés sur les ordinateurs qu'ils exposent à la vente.

A l'automne 2008, les promesses du Plan numérique 2012, présenté par Éric Besson, alors secrétaire d'État à l'économie numérique, réjouissaient l'AFUL. Le point n°64 prévoyait de «promouvoir un affichage séparé des prix des logiciels et systèmes d'exploitation pré-installés» et le point n°65 de «permettre la vente découplée de l'ordinateur et de son logiciel d'exploitation» . Pour arriver à ces objectifs, le plan proposait de «réunir un groupe de travail rassemblant les acteurs de la distribution, les associations de consommateurs, les fabricants et fournisseurs de logiciels pour mettre en place un test dès le premier trimestre 2009» . En juillet 2009, aucun groupe de travail ne s'est réuni.

D'autres acteurs du dossier ont changé. Luc Chatel, le Secrétaire d'État à la Consommation, est parti, et le directeur de la DGCCRF, la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, avec qui l'AFUL travaillait étroitement a changé. Il s'agit aujourd'hui de Nathalie Homobono , à qui ils ont adressé une demande de rendez-vous, aujourd'hui sans réponse. Lucide, Alain Coulais comprend que le dossier de la vente subordonnée n'est pas le plus urgent pour le gouvernement, et que l'hostilité de certains constructeurs n'aide pas. Optimiste, il compte sur l'accumulation de ces victoires de particuliers (même s'ils essuient également des défaites) pour avoir plus de poids. Et vise à travailler davantage au niveau européen, en espérant intéresser la Commission Européenne.

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