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Libération

Nuit Blanche, la sélection Ecrans.fr

par Marie Lechner
publié le 5 octobre 2007 à 19h03
(mis à jour le 6 octobre 2007 à 16h13)

Dans la nuit du 6 ou 7 octobre, Paris accueille une nouvelle édition de la Nuit Blanche . Ecrans.fr a fait son petit marché d'installations. On commencera par rappeler la Second Night , événement entre le monde virtuel et l'espace physique de l'Hôtel d'Albret, que l'on annonçait jeudi ( lire article ).

SCRATCH de Michaël Sellam

_ Espace des Blancs Manteaux

_ 48, rue Vieille du Temple, 75004 Paris

Même le champion du monde des DJ's aurait du mal à rivaliser avec SCRATCH , dispositif imaginé par Michaël Sellam mettant en scène une machine testostéronée qui produit du son à très grande vitesse. L'artiste a détourné un robot industriel pour lui faire créer de la musique au lieu de se livrer à sa fonction originelle, l'empaquetage express des marchandises. Le monstre de deux tonnes au bras agile peut manipuler jusqu'à 240 pièces par minutes, un petit bijou de l'ingéniérie industrielle qui mettra sa virtuosité au service de la création musicale.

Le robot, chef d'ochestre, musicien et DJ, s'active en déplaçant frénétiquement la tête de lecture sur le 33 T. Ses mouvements programmés opèrent une série de variations sur un disque vinyl placé sur une table. La musique s'accélère en permanence, il devient presque impossible de suivre le robot l'oeil nu. Le vinyle soumis à ce traitement est la BO du film Sacco et Vanzetti , composée par Ennio Morricone, l'histoire de deux anarchistes italiens victimes d'un scandale judiciaire dans les années 20, injustement condamnés à la chaise électrique. Le disque est scratché démesurément durant toute la nuit, objet fétiche qui subit une érosion progressive jusqu'à ne plus émettre que des résidus sonores.

Fasciné par les extraordinaires capacités du Robot Quickplacer de Fatronik, «le plus rapide du monde! » , Sellam a proposé une forme de partenariat à l'entreprise afin de réaliser un projet qui permettre à des ingénieurs et des artistes de travailler ensemble.

«Le domaine musical est peut-être celui de la création artistique qui dépend le plus des inventions techniques, enregistrement, diffusion, système d’écoute, etc., il me semble particulièrement motivant d’inscrire ce projet dans cette histoire où artistes et techniciens travaillent ensemble pour produire de nouvelles manières de créer, d’entendre, de penser les sons et la musique, explique l'artiste. Un mouvement des doigts sur la surface d’un vinyl produit un son différent, un son qui est celui de la technologie qui le produit. En permettant au robot Quickplacer de scratcher sur le disque, c’est la machine elle-même qui produit une musique nouvelle. Programmer le robot, c’est écrire la partition de ses mouvements. La musique ainsi produite associe dans un même instant, l’instrument, l’interprète, et la partition.»

I Dance , de Pierre Giner

_ Fondation d'entreprise Ricard,

_ 9 rue Royale, 75009 Paris

Sur les façades de la Galerie Royale, transformé en dance-floor virtuel, des personnages 3D hyper fashion s'agiteront toute la nuit au rythme de la musique mixée live. Présenté pour la première fois à l'occasion du festival international de mode à Hyères, I Dance de Pierre Giner met en scène des personnages virtuels designés par des créateurs de mode tel Christian Lacroix, Anne-Valérie Hash Christian Wijnants ou Issey Miyake. A l'occasion de la Nuit Blanche, la collection s'agrandit avec notamment une Grace Jones portant le fameux bustier en plexiglas confectionné pour elle par Miyake ainsi qu'une nouvelle pièce de Lacroix...

Ces personnages, insupportablement kawaï, dansent en outre à la perfection, en accord parfait avec la musique. Pierre Giner s'est réapproprié un tutorial de danse développé en Corée pour aider les timides à répéter leur pas de danse et éviter le ridicule en boîte de

nuit. La société à l'origine du logiciel étant spécialisée dans la capture de mouvement, la gestuelle des personnages en 3D est d'une précision extrême.

Infatigables, ils se déhancheront jusqu'au bout de la nuit, en compagnie de Superman, Goldorak et leurs petits amis à poils, sous les scintillements d'une boule disco géante et aux sons des DJ's de Poptronics (DJ ike, Dj Kropotkine, Jean-Yves Leloup, Patrick Vidal et

DJ Wet) qui proposeront une histoire de la danse/dance, depuis les danses balinaises aux incursions folk nu-rave, en passant par la musette électro et les beats technos.

Mirodrome ,

_ Notre-Dame des Blancs Manteaux

_12, rue des Blancs Manteaux, 75004 Paris

Franck Pollonghini et Philippe Vernay, musiciens aux multiples influences (punk-rock, new-wave, breakbeat...) forment le duo Motel*** depuis une vingtaine d'années. Au fil des ans ils s'associent à diverses formations d'artistes et de techniciens. Le Mirodrome est né de leur «volonté de renverser la vapeur dans le rapport entre musiciens et spectateurs, et de faire une réelle 3D, en rajoutant le multimédia et le multi-sensoriel à la musique» , comme l'explique Franck. Force est de préciser que «le Mirodrome n'est pas un concert» , ni un show vidéo. «Le visuel ne doit pas masquer les autres sens» , pas plus que le son. L'idée est de solliciter tous les sens, sans en privilégier aucun en particulier, pour un voyage multi-sensoriel.

Allongés sur un sol moquetté, les spectateurs se trouvent au centre d'un dispositif, adapté au lieu et au public. Pour ce show exceptionnel qui durera de 20h à 5h du matin, quelques scénaris sont prévus, mais une grande part sera laissée à l'improvisation. L'installation investira samedi la nef de l'église Notre-Dame des Blancs Manteaux, «décor fabuleux, dont les murs, le plafond et le sol serviront d'écran» , et dont l'accoustique particulière permettra de multiplier les jeux sonores.

L'ouïe sera sollicitée par un mélange de musique acoustique jouée, avec un percussionniste et un chœur de six personnes, et de musique électronique, pré-programmée mais jouée en live et retransmise en polyphonie. Pour ce qui est de la vue, elle sera interpelée par un jeu de vidéo et de lumière, et des mini-histoires racontées en filigramme. Sans oublier, pour la complémentarité des sens, l'odorat. «Bois brûlé» , «herbe coupée» ... des diffuseurs déclencheront à mesure du spectacle des odeurs choisies.

Évènement tout public, le Mirodrome est une invitation à un voyage personnel, avec «possibilité d'amener son oreiller préféré» . Envie de goûter à l'expérience?

Expanded Cinema , de Yann Beauvais

_ Parc de Bercy, 75012 Paris

L' Expanded Cinema est un cinéma qui s'affranchit des normes habituelles en faisant appel à des écrans multiples. Deux, trois ou quatre images simultanées, pas de format défini, des possibilités infinies de variations et d'amplifications de la projection, c'est une autre manière d'envisager le cinéma, sans limites spatiales ni temporelles. Ce cinéma élargi (en français) est apparu dans les années 20 avec notamment les expériences du cinéaste Abel Gance, puis a connu des développements majeurs à partir des années 60 en Europe et aux Etats-Unis.

Réalisateur, commissaire d'exposition, critique et enseignant, Yann Beauvais a réalisé de nombreux travaux et performances multi-écrans depuis 1975. Mais pour la Nuit Blanche, il a choisi de présenter une palette de cette pratique en treize propositions, englobant des oeuvres des années 60 à nos jours. Il veut ainsi faire découvrir l' Expanded Cinema à un large public, ce qui «impose plusieurs limites à l'exercice dans le choix des films, qui doivent être accessibles à tous» .

Eliminant des oeuvres traitant de la libération des mœurs, sujet phare des années 60 et 70, et présentant des cinéastes contemporains qui s'interrogent de plus en plus sur le rapport aux médias et l'histoire du cinéma, il a donc sélectionné un ensemble de «films choisis, certains réalistes, d'autres abstraits» , dont un «morceau de bravoure historique» , comme il le qualifie, le Razor Sharits réalisé par l'américain Razor Blades en 1965-68.

Yann Beauvais offre pour cette nuit un arrangement de 2h15, pour une expérience de cinéma alternatif (la programmation sera projetée quatre fois). Le but affiché n'est donc pas de faire dans le beau ou le léché, mais bien de faire réfléchir, et de soulever des questions sur le patrimoine. Le résultat risque d'être surprenant, et reste à voir, toute la nuit.

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