Occupy «BioShock»

par Olivier Seguret
publié le 21 novembre 2011 à 0h00

Les occupants de Wall Street ont été délogés, mais leur mouvement n'a pas fini d'occuper les consciences et même le moins politisé des gamers pourrait bientôt s'en instruire. Où ça ? Non pas dans un de ces «serious games» du Web, à dimension diplomatique, stratégique ou politique, mais dans un grand jeu à vocation populaire, l'un des plus attendus de 2012, BioShock Infinite. La série BioShock, qui a connu deux épisodes depuis sa création par Ken Levine en 2007, appartient au genre du jeu de tir sans en avoir ni l'apparence ni le goût. Dès son premier opus, une très forte identité visuelle (le monde sous-marin de Rapture, ville engloutie) et une technique narrative assez fascinante (l'uchronie : une réinvention du passé) ont contribué à lui assurer une réputation de profondeur et de substance.

Président et creative director du studio Irrational Games qui produit la série, Ken Levine a donné une interview sur le site du Washington Post où il explique comment le mouvement Occupy Wall Street, qu'il observe à la loupe, influençait sa réflexion sur BioShock Infinite. Dans ce jeu, situé dans une imaginaire Amérique des années 1890, deux camps politiques s'affrontent : des extrémistes de droite, les Founders, et des extrémistes de gauche, les Vox Populi. Ces derniers, plus rétifs à la hiérarchie, se retrouvent au départ moins organisés que leurs rivaux. Levine voit ici une première analogie, où il compare Occupy Wall Street au mouvement du Tea Party, plus efficace politiquement.

Plus loin, il dit aussi avoir étudié pour les besoins de son scénario comment les mouvements protestataires se forment à l'échelle historique, et il croit retrouver dans le mouvement antifinancier d'aujourd'hui les germes apparus lors de la Révolution française. Trop prudent pour se situer lui-même ailleurs que dans «la zone grise» d'un centrisme distancié, Levine raconte quand même avoir eu la mauvaise surprise de voir un site suprématiste le désigner comme «un Juif dont le jeu consiste à tuer des Blancs», tandis que les sites de gauche l'accusent de discréditer leurs mouvements. Ces résonances entre le monde réel et son monde virtuel, dont il n'a pas encore dévoilé tous les contours, Levine les apprécie mais espère ne rien prophétiser : «Je souhaite que ces mouvements réels ne connaissent pas le même sort que dans le jeu. Ce ne serait pas très joli, c'est tout ce que je peux vous dire…»

Pour aller plus loin :

Dans la même rubrique

Les plus lus