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Libération

On a remanié la télé

par Raphaël GARRIGOS et Isabelle ROBERTS
publié le 22 novembre 2010 à 10h51

Ah tiens, mais c'est Claire Chazal qui nous parle. «Bonsoir Dr Garriberts, nous sommes ensemble pendant une page et nous allons pouvoir aborder avec David Pujadas de France Télévisions et Michel Denisot de Canal+ tous les sujets.» Heu, nous ? Vous êtes sûre, Claire ? Ben oui, poursuit-elle, «C'est une intervention très attendue, vous le savez, puisqu'elle se situe avant un événement médiatique majeur : le remaniement télévisuel et nous allons pouvoir en parler longuement, sans tabou, il n'y aura pas d'exclusive, pas d'exception.» Ouais bon ça, on verra, hein. Mais c'est qu'elle n'a pas fini de jacter, Claire : «Je rappelle que vous ne vous êtes pas exprimé de façon approfondie devant les Français depuis samedi dernier.» Eh bien, c'est vrai, Françaises, Français, nos chers compatriotes, nous avons décidé de dissoudre la télévision nationale et de procéder à un remaniement cathodique. C'est sur ce volontarisme-là, au nom de l'intérêt général, que le Dr Garriberts entend être jugé à la fin des fins (1). Car, trois mois après la rentrée, il est temps de faire le bilan des nouveautés et de tirer les conséquences qui s'imposent. Au nom de l'intérêt supérieur de la nation et de la survie de nos cerveaux.

Ils restent

Vous le savez, ma'me Chazal, la France est inquiète, il y a la crise, des gens qui ont souffert et si en plus à la télévision, on donne le tournis par une organisation qui change toutes les cinq minutes, alors on accroît l'anxiété (cette parodie des propos de Nicolas Sarkozy mardi soir marche mieux avec un brusque hoquet d'épaule). C'est pourquoi nous avons voulu renommer Michel Drucker. Bon, nous non plus, on ne voulait pas vraiment, mais il est populaire et sa resucée de Champs Elysées a cartonné samedi sur France 2, alors on garde. Enfin, comme Sarkozy avec Fillon : sauf imprévu. Sophie Davant aussi, on garde. Comme a dit l'autre, mardi, de Nathalie Kosciusko-Morizet, c'est une femme, elle est tout en haut de la hiérarchie télévisuelle, elle est à la tête d'une émission considérable. Pensez : Toute une histoire , et ses témoignages über-concernants du genre «En amour, ils mettent le turbo !» , que Sophie Davant a décrochée à la faveur d'un accident de poudreuse de Jean-Luc Delarue. Eh bien ça vous en bouchera peut-être une narine, heu un coin, mais à l'Audimat, Davant fait mieux que Delarue. On vous voit venir d'ici, Delarue, Borloo, ne niez pas, vous y avez pensé. Oui ou non ? Pardon ? On n'a pas entendu, Claire Chazal… OUI ou NON ?

Photo France 2

Ils ont chaud aux fesses

Masterchef , c'est comme Brice Potaufeu (non mais qui met des blagues pourries dans nos articles ?) : il s'en est fallu d'un cheveu que l'émission dégage. La télé-réalité culinaire de TF1, démarrée à tout petit bouillon (3,8 millions de téléspectateurs, soit la moitié d'une fricassée décongelée d' Experts : Miami ), a cuit mollement pendant deux mois avant une brusque ébullition à 5,8 millions de personnes pour la finale. Du coup, la Une a déjà annoncé vouloir remettre le couvert l'année prochaine (mais sans Carotte Rousseau, merci). Le cas de nos amis Guillaume Durand et Franz-Olivier Giesbert est un peu différent. Nonobstant leur indéniable apport à l'éclairage des lumières de ce siècle, leurs audiences flirtent systématiquement avec l'ombre : 700 000 personnes pour la dernière de Face aux Français que présente Durand sur France 2 deux mardis par mois et 580 000 vendredi dernier pour Semaine critique (bientôt titrée «Semaine vraiment grave critique») de Giesbert, toujours sur la Deux. Mais notre paire d'intellectuels du cerveau a ceci de particulier que malgré la solitude de leur exercice, ils décrochent toujours une nouvelle émission. Oui, un peu comme Roselyne Bachelot.

Ils partent

Hein, c'est quoi que vous disez, ma'me Chazal ? «Pourquoi remanier dans ce cas-là?» Tout simplement parce qu'il y avait un certain nombre d'animateurs qui étaient en bout de course et que c'est notre responsabilité de chef de la télé. Ainsi, au bout de trois mois d'alternance sur France 2 chaque mercredi en deuxième partie de soirée, Laurie Cholewa et Jean-Luc Lemoine ne devraient pas tarder à être arrachés à notre désaffection. Le Bureau des plaintes du second, à velléité humoristique, chouine dans le vide. Dans l'univers de… , où la première se trémousse en retraçant en chansons la vie de son invité (Patrick Sébastien, Lara Fabian ou Michel Leeb, oui, rien que ça), est un trou noir qui vous envoie direct sur La Cinq époque Berlusconi. Sont-ils farceurs, Carolis et Duhamel, d'avoir laissé telle peau de banane sertie de paillettes lacrymales en héritage au nouveau président de France Télévisions… Ou alors, c'est du sabotage : On n'demande qu'à en rire , autre grande nouveauté de France 2 dont on voit mal comment elle va réussir à passer l'automne, est un piteux télécrochet d'apprentis Ruquier. Ça tombe bien, c'est lui qui présente ce calvaire quotidien de 18 heures, subi par à peine 1,2 million de téléspectateurs. Faut dire qu'il y a en même temps les très hype Questions pour un champion sur France 3 et Tournez manège sur TF1.

L'hécatombe devrait être sévère. En juin prochain, ils ne seront que 250 000 - la dernière audience, dimanche, sur Canal + - à pleurer le Tout le monde il est beau de Bruce Toussaint, une étonnante contre-performance pour cette émission humoristique. Non pas qu'elle soit drôle mais la présence de Fifi Manœuvre au rang des chroniqueurs aurait dû lui assurer une part de marché d'environ 76 %.

En revanche, non Claire Chazal, nous ne donnerons pas de réponse quant à la télé de 2012. Sinon que le remaniement sera alors un peu plus brutal et s’appuiera sur une nouvelle technologie à base de pal, de harissa et de verre pilé. Des noms ? Y a plus assez de place.

(1) Cette phrase est tirée de l'éditorial d'Etienne Mougeotte dans le Figaro au lendemain de l'intervention de Nicolas Sarkozy , juré-craché, c'est vrai (sauf qu'il avait mis «le chef de l'État» à la place du Dr Garriberts, of course).

Paru dans Libération du 20/11/2010

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