Paolo Cirio : crédit revolver

par Marie Lechner
publié le 9 mai 2011 à 12h09
(mis à jour le 10 mai 2011 à 17h36)

«J'ai volé un million de profils de Facebook republiés sur un site de rencontres, des livres numériques d'Amazon que j'ai redistribués gratuitement. J'ai créé des réseaux de robots pour frauder le service pub de Google. J'ai fabriqué et distribué des milliers de cartes de crédit, contrefaisant de l'argent virtuel.» Voilà quelques-uns des forfaits revendiqués par l'artiste hacker italien Paolo Cirio, Robin des bois du réseau, régulièrement menacé de poursuites.

«Ce ne sont pas des hacks malicieux, des virus saboteurs, des hoax rigolos ou juste des slogans, mais des propositions pour provoquer des changements politiques» , se défend Cirio. Après une attaque contre trois géants du Web et leur monopole , il s'en prend à Visa. Ou plutôt aux banques. Son projet, P2P Gift Credit Cards , propose une économie alternative, basée sur une architecture peer-to-peer, pour un partage plus équitable des richesses.

Le principe est simple : entrer son mail ou un numéro de téléphone sur le site du projet. En échange, vous devenez possesseur d'une CB virtuelle avec numéro, date d'expiration et code de sécurité, le tout sans frais. Vous pouvez aussi commander un exemplaire plastifié plus vrai que nature. Pour être crédité de 100 livres (111 euros), il suffit de communiquer le mail d'un ami : partager devient ainsi créateur de valeur. Chaque nouveau membre vous vaudra des crédits en plus, histoire de rendre tout ça viral. «Les banques sont autorisées à créer de l'argent virtuel à partir de rien en accordant des prêts qui excèdent les sommes qu'elles ont en dépôt », dit Cirio, évoquant la récente crise. Lui estime que chacun devrait avoir le droit de prêter de l'argent qu'il ne possède pas : «Dans la "finance du don", il s'agit de transférer le pouvoir des banques à la population, l'économie serait stimulée démocratiquement par la communauté au lieu des institutions financières privées.»

Contrairement à d'autres projets, il ne s'agit pas de créer une monnaie fictive, même si les échanges financiers ne sont pas possibles. P2P Gift Credit Cards utilise l'argent standard et repose sur les infrastructures existantes. «Les 16 chiffres de la carte sont obtenus avec l'algorithme officiel qui code toutes les cartes du monde, et les six premiers chiffres sont l'identifiant de la banque qui les a émises , explique Cirio, qui a créé un organisme indépendant à but non lucratif, le Basic Credit Network - non autorisé - qui délivre des cartes de crédit pouvant être lues par n'importe quel système électronique. «C'est vraiment une contrefaçon d'argent qui pourrait éventuellement être dépensé» , dit Paolo Cirio, en reprécisant qu'il s'agit d'un projet artistique. Certes, admet-il, pour utiliser ces cartes dans les boutiques ou les distributeurs, il faudrait que le projet soit autorisé par les institutions monétaires gouvernementales, mais «il serait d'ores et déjà possible de commercer à l'intérieur de la communauté des détenteurs de cartes» . Plus d'un millier ont été émises, le but étant d'atteindre une masse critique d'utilisateurs qui permettrait de transformer cette utopie en véritable système alternatif.

Paolo Cirio présentera son projet le 19 juin à la galerie Plateforme , dans le cadre du festival des cultures open source Mal au Pixel qui débute le 9 juin à Paris, et se penche précisément sur le futur de la monnaie imaginé par des artistes ( Dyndy de Jaromil, Afro , la première devise panafricaine de Baruch Gottlieb et Mansour Ciss Kanakassy, ou encore le Bijlmer Euro , monnaie locale de Christian Nold).

Rencontre Les utopies monétaires , organisée par MCdate, et Upgrade! Paris dans le cadre du festival Mal au Pixel

Le vendredi 17 juin à 19h à la Maison des Métallos (entrée libre) et sur Digitalarti en stream live. Avec Jaromil & Marco Sachy, Enric Duran, Christian Nold, Mansour Ciss Kanakassy et Baruch Gottlieb.

Exposition du 9 au 19 juin à Plateforme , 73 rue des haies, 75020

DYNDY / Enric Duran / Christian Nold / Mansour Ciss Kanakassy & Baruch

Paru dans Libération du 07/05/2011

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