Le passage du Paquet Télécom en assemblée plénière du Parlement Européen aura finalement lieu le mercredi 24 septembre. Il s'agit d'un texte destiné à moderniser le secteur des communications électroniques (internet, téléphonie fixe et mobile) mais où se sont greffés des amendements relatifs aux «contenus licites» présents sur Internet. Un moyen de préparer le terrain pour de nouvelles lois en matière de surveillance et de collecte d'information sur le net, dont, bien sûr, le projet de loi français Création et Internet. Les eurodéputés pouvaient déposer des amendements au texte final jusqu'à hier.
Une des principales craintes concerne l'évacuation de l'autorité judiciaire dans le processus de surveillance des usages sur le net. Aussi, début juillet, l'eurodéputé Guy Bono annonçait qu'il comptait «déposer un amendement afin d'éviter que les autorités administratives puissent restreindre les droits fondamentaux des citoyens à la place de l'autorité judiciaire» .
L'amendement (138) a été déposé hier. Cosigné par des eurodéputés des groupes Verts (dont Daniel Cohn-Bendit), PSE, ALDE et PPE, le texte stipule que toute «restriction aux droits et libertés des utilisateurs finaux» , ne peut être décidée que par l'autorité judiciaire «sauf cas de force majeure ou impératifs de préservation de l'intégrité et de la sécurité des réseaux» . Son objectif est donc d'empêcher que l'autorité judiciaire soit contournée, et que ses missions soient transférées à des autorités administratives. Comme ce serait le cas avec l'Hadopi.
Par ailleurs, début septembre, le Contrôleur européen à la Protection des Données (CEPD) rendait un avis (PDF) sévère sur deux directives du Paquet Télécom. Il craint de voir se développer «une surveillance systématique, pro-active et à grande échelle de l'usage d'Internet» . Et il dénonce le système de riposte graduée, et le fait que certains amendements du Paquet Télécom, permettent sa mise en place. Sur la question de la surveillance, le CEPD reprend une déclaration, émise le 18 janvier 2005 par un groupe de travail sur cette question : «Même si tout individu a naturellement le droit d'exploiter des données judiciaires dans le cadre de litiges le concernant, le principe ne va pas jusqu'à permettre l'examen approfondi, la collecte et la centralisation de données à caractère personnel par des tiers, y compris, notamment, la recherche systématique à grande échelle, comme le balayage d'Internet (...). De telles enquêtes sont de la compétence des autorités judiciaires» .
De leur côté, les lobbyistes ne sont pas restés les bras croisés. En début de semaine, les membres du Parlement Européen ont ainsi reçu une lettre , sur le thème : il faut mettre en place de nouvelles règles pour obliger les fournisseurs d'accès et opérateurs télécom être responsables des contenus qu'ils transportent. Selon les quelque 200 organismes signataires (dont l'IFPI, la MPAA, la SACEM, le SNEP,...), les FAI sont coupables de ne pas vouloir «coopérer avec les victimes de comportements illicites en ligne» . Et en exemples de «ces comportements en ligne illicites et dangereux» de citer l'«happy slapping », la diffamation durant les campagnes électorales, les «comportements abusifs et insultants» dans les forums et blogs... et les «contenus dangereux vicieusement dissimulés parmi des copies illégales d'œuvres protégées» et auxquels «les mineurs peuvent aujourd'hui accéder» .
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