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Libération

Paroles de schizophrènes

par Isabelle Hanne
publié le 19 mars 2010 à 18h27
(mis à jour le 19 mars 2010 à 18h29)

«Schizophrènes : entre l’enfer et la lumière» , documentaire d’Olivier Delacroix et Hugo Lopez. France 4, ce soir, 20 h 35.

Après les changements de sexe, les tatouages et les piercings, le tuning, le bodybuilding et les gothiques, Olivier Delacroix se penche sur un autre sujet maltraité par les idées reçues : la schizophrénie. Une maladie psychique très complexe, méconnue et qui fait peur. Alors qu'en France, 600 000 personnes seraient atteintes de schizophrénie, le grand public continue à associer les malades à des fous à double personnalité, voire à des meurtriers en puissance. Qui sont ces malades ? Comment vivent-ils, se soignent-ils ? L'atypique Olivier Delacroix, adepte d'un journalisme ultra subjectif, est allé promener ses dreadlocks, ses lunettes de soleil, son «je» et sa 206 de Pau à Colmar en passant par Paris, pour rencontrer des malades et leurs proches.

David, Vivien et Julie rêvent d'autonomie et d'indépendance. Après un douloureux cheminement vers l'acceptation de la maladie, souvent vécue comme une «capitulation», ils ont pu trouver un traitement adapté. Leurs familles, elles, ont appris à s'organiser petit à petit autour d'eux. Des familles généralement livrées à elles-mêmes, malgré des équipes médicales compétentes mais souvent en manque de moyens : «La véritable équipe soignante, c'est la famille.» A chaque malade rencontré, un symptôme différent : visions, paranoïas, hallucinations, troubles du comportement, du cours de la pensée… «Il y a autant de schizophrénies qu'il y a de schizophrènes» , dit le commentaire.

Schizophrènes : entre l'enfer et la lumière n'apporte pas un regard médical, scientifique sur la maladie. Ni un regard vraiment journalistique, d'ailleurs. Le documentaire consiste en une série d'entretiens avec les malades et leurs proches, animés par une curiosité et une sincérité réelles de la part de Delacroix. Avec tous les défauts que sa méthode comporte. Notamment sur la forme : voix trop appuyée, commentaire un peu poussif, musique dramatisante… Le journaliste, omniprésent à l'écran, crée délibérément une proximité et une empathie, souvent inutile, avec ses interlocuteurs - «en tout cas je te trouve très courageux» , répète-t-il souvent.

Mais la méthode Delacroix présente aussi l'avantage de mettre en confiance ses interlocuteurs, qui livrent des témoignages souvent poignants : «Ma maladie, c'est comme une plante qui pousse dans ma tête»,«la société a toujours peur des schizos, alors que ce sont eux qui sont terrifiés», «ça fait comme un larsen dans les oreilles» . Surtout, on découvre la lucidité qu'ont les malades sur leur état, et sur leurs difficultés à s'intégrer dans une société qui les regarde de travers.

Paru dans Libération du 19 mars 2010

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