Passe-moi ton… euh… 07

par Pierre Marcelle
publié le 11 mai 2010 à 0h00

Comme une façon de signifier au monde que tout ce qui, de près ou de loin, tripote l’univers magique de la téléphonie constitue, primo, une information, secundo, une information essentielle… L’autre lundi, sur le marché français des portables, furent introduits les premiers préfixes en 07 dans la numérotation des téléphones portables, ou «mobiles». Plus de soixante millions de numéros en 06 ayant déjà envahi le marché, nos oreilles et nos espaces privés, une pénurie bêtement menaçait, sur le mode de celle qui réforma la numérotation des plaques minéralogiques. Mêmes causes, mêmes effets.

On avait ouï dire de l'imminence de cette «révolution» sans émotion particulière, voyant mal, a priori, en quoi la cohabitation de l'impératif «passe-moi ton 06» avec l'impératif «passe-moi ton 07» serait susceptible de bouleverser les us du temps. C'est sans doute qu'on avait mal apprécié le prochain avènement, sinon l'imminente discrimination, via l'identifiant 07, d'une seconde classe de citoyens numériques, ou plutôt, de citoyens numériques de seconde classe. Quand 06 identifierait des usagers rompus de longue date aux subtilités du SMS, des appels simultanés et du mode vibratoire, le port du 07 révélerait à ses contemporains la candeur affligeante du benêt trop longtemps resté en marge de la modernité, sinon le terroriste repenti de Tarnac ayant enfin rejoint les rangs de la civilisation.

Eh bien, non ! Ça ne marche pas ainsi, nous révéla l'AFP, qui avait déplacé, au matin de l'ère nouvelle, un reporter sur les Champs-Elysées, dans la boutique vitrine de l'opérateur Bouygues, le premier à appliquer le truc. Y fut constatée la présence d'un certain Mathieu, 37 ans, venu «exprès pour ça», avec le souci revendiqué d'«être le premier» - motivation niaisement grégaire et couramment énoncée lors des lancements promotionnels de iPhone ou de Harry Potter.

Car il faut bien qu’en ce domaine, plus souvent qu’en tant d’autres qui régissent notre vie sociale, de temps à autre, les derniers soient les premiers. Ce qui nous rassure.

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