Dans l'empirique découverte des engins communicants (en l'occurrence, la cabine téléphonique glissée dans la poche revolver), soudain, ce choc : au menu Messagerie, le très énigmatique «mode T9». On savait que la messagerie produit du texto, ou SMS (short message service), via ce clavier où chaque touche décline trois lettres (2ABC, 3DEF, etc.) ; pour inscrire A, taper une fois sur la touche 1, B, deux fois, V, trois fois sur la touche 8, et le reste à l'avenant. La fonction T9, autrement baptisée «écriture prédictive», on la découvre : en T9, pour taper la lettre A, B ou C, une seule pression sur la touche 1 suffit, et une seule aussi sur la touche 8 pour T, U ou V. De cette combinatoire ABC-TUV, la machine augure que le scripteur aspire à frapper «au» (par exemple), et le fait pour lui. C'est magique.

Je vous entends, lecteurs, qui êtes déjà plusieurs à vous gausser ici de ma naïve découverte du B.A.-BA numérique. Mais ne faites pas trop les malins, et considérez plutôt la densité anagrammatique de la langue et les merveilleuses surprises que le bouzin T9 génère. Voyez demain s'y suggérer en démago, le jour se lever en loup, l'aimable chère se boire en bière, et le trou de la sécu vous faire la peau. Mais surtout, n'ayez pas peur ! Si d'aventure vous voyez s'inscrire sur l'écran le nom honni de Staline, une seule pression sur l'option correction vous restituera le sublime auquel vous aspiriez. De la magie du T9, les amateurs de scrabble feront leur miel, ou leur beurre. A cette fin, soyons fous et imaginons avec audace que, du massacreur d'intelligence que constitue le SMS, le pédagogue tire un bien. La dictée, dit-on, ne s'impose plus dans les collèges. Mais la dictée sur téléphone portable ? Avec T9, qui récuse les orthographes fautives et les corrige, les jeunes décervelés feront de l'art d'écrire propre un doux et ludique apprentissage.

Ne restera aux profs qu'à se résoudre à ouvrir leurs cours par cette injonction cruelle et douloureusement d'époque : «Allumez vos portables.»