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Libération

A quoi tu joues? Pedro Winter, l’éclectique pro-skateur

par Olivier Seguret
publié le 2 août 2010 à 11h01
(mis à jour le 2 août 2010 à 12h03)

A 35 ans, Pedro Winter a beaucoup habité nos oreilles mais rarement évolué sous nos yeux. Il profite, depuis le milieu des années 90, d'une forme rare de notoriété. Sa célébrité est grande mais discrète, multipliée sous divers avatars : compositeur d'electro et manager de labels ( Ed. Banger Records ), producteur (notamment des Daft Punk jusqu'en 2008) et DJ (sous le pseudo de Busy P), l'éclectique Winter, qui a en plus l'audace d'être beau gosse, appartient également à l'étrange jet-tribu qui fait plusieurs fois le tour du monde des clubs chaque année, casques sur les oreilles, iBidules en bandoulière et universellement multiconnectée. Ce samedi soir à l'Astropolis de Brest, jeudi prochain au Beatfest de Jakarta, le lendemain à Tokyo pour le Summer Sonic, etc. «Je tourne pas mal» , commente-t-il euphémiquement. Il met aussi la dernière touche a la bande originale, composée par SebastiAn, du film de Romain Gavras, Notre jour viendra (sortie du film et de la musique le 15 septembre).

Spécimen canonique de la génération electro et high-tech, Pedro Winter a grandi avec le jeu vidéo et sa culture, qui ont également fécondé sa musique. «J'ai commencé par l'Atari 2600, carré, avec un gros bouton orange et des cartouches encastrées. J'avais 6-7 ans. Je me souviens d'un de mes premiers contacts : un jeu du genre Ninja Cowboy. J'ai un grand frère, et forcément on se battait pour jouer.» Ses sentiments rétrospectifs l'attachent autant aux jeux et à leur expérience qu'aux machines, pour lesquelles il éprouvait déjà, enfant, une excitation particulière. «J'aimais aussi beaucoup le petit Amstrad, le CP464, qui faisait des bruits de l'espace. Puis il y a eu la GameBoy et la première PlayStation. Je suis tombé amoureux de ces objets. D'ailleurs, je crois que je pourrais me faire tatouer l'une de ces silhouettes : une GameBoy, une PS1.»

Plutôt le tatouage d'un objet emblématique qu'une mascotte, donc, même si Pedro reconnaît à Pac-Man la valeur d'une petite icône personnelle, devenu également un symbole détourné de la culture electro. Il a naturellement enchaîné avec la PS2 puis la PS3, développant, au fil du temps, sa plus forte addiction vidéoludique à ce jour : la licence Tony Hawk , simulation de skate légitimée par le champion mondial du genre, produite par Activision et déclinée en une douzaine de titres depuis 1999. «Etant skateur à la retraite, j'en ai retrouvé les sensations sur mon écran. J'ai le Trocadéro dans mon lit ! Tony Hawk m'a permis de prolonger de quelques années ma passion. A mon âge, on fait moins le malin sur une planche en bois et quatre roues! Me retrouver à skater virtuellement dans les rues de San Francisco a aussi été un moment fort de mon addiction. Quel pied de pouvoir rider dans des rues que je découvrais à travers les magazines américains Thrasher ou Transworld Skateboarding. Donc, oui, on peut parler de choc émotionnel et de passion. J'ai pas autant sué derrière ma console que lorsque je skatais au Palais de Tokyo, mais je t'assure que mes muscles de la main sont aussi rodés que mes mollets ! Ah !Ah !Ah !».

Le lien entre jeu vidéo et musique est naturel chez Pedro Winter. «Dans le skate, c'est très important. Quand on joue à Tony Hawk, rien de mieux qu'un bon Slayer pour motiver les troupes, et je trouve que les créateurs assurent bien du côté de la programmation musicale qui accompagne les jeux.»

Il lui arrive aussi régulièrement de glisser des morceaux dans les jeux vidéo, ce qu'il envisage très simplement comme «une nouvelle façon pour nous de diffuser et vendre la musique de nos artistes» . «J'ai été vraiment bluffé quand GTA 3 [Rockstar Games, ndlr]est sorti. Ils ont mis en vente en même temps un coffret avec cinq ou six CD sur lesquels étaient réunis les tubes "virtuels" des radios FM du jeu. Ces tubes "virtuels" n'étaient pas virtuels du tout ! Michael Jackson and co. Plutôt classe et bien foutu. Ils avaient même créé des faux jingles radio. Grandiose !»

Pedro Winter devient presque émouvant quand il explique qu'il n'a joué qu'à deux jeux d'aventure, Tomb Raider et Metal Gear Solid (bonnes pioches !), «qui correspondaient aussi à des périodes de déceptions sentimentales qui m'en ont donné le temps…»

Aujourd'hui, c'est surtout un joueur sur iPad et iPod, sur lesquels il a chargé les «vieux titres» que sont Pac-Man et Simon , (jeu de société musical avec des sonorités façon Rencontres du troisième type , très populaire dans les années 70). «Finalement les mêmes jeux, sous différentes formes, que ceux auxquels je jouais dans mon enfance» , remarque-t-il. «J'ai aussi quelques jeux de voiture. Vu tous les avions que je vais prendre, je compte bien blinder mon iPad !»

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Paru dans Libération du 31 juillet 2010

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