«Permettre au joueur de cadrer en scope»

par Olivier Seguret
publié le 17 octobre 2012 à 10h44

Le brillant graphiste et designer franco-bulgare Viktor Antonov a connu une notoriété instantanée dans le monde du jeu avec le légendaire Half-Life 2 , dont il avait imaginé la splendide et complexe cité. Il a exercé un magistère comparable sur Dishonored , dont il n'est pas le développeur en chef mais l'architecte visionnaire de la ville de Dunwall, obsédante et tragique, un personnage à part entière.

Comment avez-vous abordé cette commande d’une ville à inventer ?

Face à tel projet, mon univers de référence est la grande science-fiction. Aux jeunes de 20-25 ans qui sont les premiers joueurs de Dishonored , je veux faire passer les grandes émotions que m'ont procurées Arthur C. Clarke et Ray Bradbury. L'épopée et le rêve sont au cœur de la littérature et du cinéma de science-fiction. Pour dessiner, je travaille pas à pas avec les scénaristes. Nous avons dû inventer l'histoire et le monde de Dishonored en trois semaines pour honorer un contrat. Le mot-clé de ce travail, c'est «ensemble».

Quelle est la spécificité du jeu par rapport au cinéma de science-fiction ?

D'abord une évidence : dans un jeu, ce n'est pas l'artiste qui «cadre» l'action, c'est le joueur. Moi, je voulais qu'il puisse cadrer en scope, comme dans Lawrence d'Arabie , d'où le format large, ouvert de l'image. Le cadrage, la focale, le montage sont des outils du cinéma qui disparaissent dans le jeu. Mais on peut beaucoup jouer sur les espaces, la verticalité, les lumières. Et puis, bien sûr, l'architecture. Selon moi, le cinéma est aussi un art d'architectes [il cite notamment Antonioni et Polanski, ndlr] . Dans un jeu, je m'exprime avec des volumes, des échelles ou des détails. Une ville est une créature. La difficulté majeure, c'est de trouver le bon équilibre entre intime et épique, essentiel et accessoire, exigence et accessibilité. Le monde du jeu manque d'univers forts aux identités marquées. Lorsque j'ai présenté pour la première fois mon projet de ville pour Half-Life 2 , cela a fait très peur à l'équipe de production, mais ils ont eu le courage de l'accepter et depuis, on sait quel succès elle a rencontré.

Paru dans Libération du 16 octobre 2012

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