Pflimlin, surprise sur crise

par Raphaël GARRIGOS et Isabelle ROBERTS
publié le 1er juillet 2010 à 11h17

Et le nouveau président de France Télévisions est… Rémy Pflimlin ! Alors que, depuis des mois et des mois, Nicolas Sarkozy avait désigné en Alexandre Bompard son champion pour succéder à Patrick de Carolis, le président de la République aurait finalement changé d'avis. Même si «aucune décision n'a été prise à ce jour sur la présidence de France Télévisions» , indiquait hier soir l'Elysée. Pourtant, un peu plus tôt, une «source UMP» a confirmé à l'AFP l'information de Lepoint.fr selon laquelle, au cours du petit déjeuner hebdomadaire de la majorité à l'Elysée, Nicolas Sarkozy se serait ouvert de son choix en faveur du patron de Presstalis (ex-NMPP). Une conversation dont n'ont pourtant pas le souvenir quatre des commensaux joints par Libération . Mais, selon l'un d'eux, Nicolas Sarkozy «ne pouvait plus dans le contexte actuel nommer Bompard» . Le contexte ? L'affaire Woerth qui poisse sérieusement toute décision de l'Elysée. Et nommer actuellement Alexandre Bompard à France Télévisions, soit un proche de l'UMP et qui plus est patron d'Europe 1, la radio du «frère» de Sarkozy, Arnaud Lagardère, peut faire légèrement mauvais genre.

En avril , quand Alain Minc fait fuiter que son poulain Alexandre Bompard sera le successeur de Patrick de Carolis, l'affaire fait du vilain. Comment ? Le Bompard qui est ami avec Stéphane Courbit qui s'apprête alors à mettre la main sur la régie publicitaire de France Télévisions ? Pas joli-joli. L'Elysée se referme comme une huître et plus rien n'en filtre. D'autres candidats, pourtant, sont approchés qui doivent remettre à l'Elysée une note d'intention.

Début juin ne restent en lice qu'Alexandre Bompard et Rémy Pflimlin. Le premier, jeune, réputé brillant, bardé de réseaux, a les faveurs de Nicolas Sarkozy. Le second, plus rond, plus lisse, est la solution raisonnable : pas très bling-bling ni très sarkozyste donc. Tout le long du mois de juin la balance penche vers l'un, puis vers l'autre. Pour s'immobiliser finalement sur Alexandre Bompard. Lundi encore, c'est toujours lui. Au point qu'il a préparé son départ d'Europe 1, pris ses dispositions pour un été studieux et une arrivée à la mi-août à France Télévisions. Mais voilà, un Eric Woerth plus tard, la candidature Bompard tombe mal et c'est Rémy Pflimlin qui sort (ou du moins semble sortir) du chapeau de Nicolas Sarkozy. La cata de France Inter , la semaine dernière, n'y est pas pour rien non plus : l'éviction de Didier Porte et Stéphane Guillon par Philippe Val et Jean-Luc Hees, premier président de l'audiovisuel public choisi par Sarkozy, a remis un sale coup de projecteur sur le mode de nomination et ses conséquences : le soupçon permanent d'allégeance à l'Elysée. Il fallait au président de la République un candidat consensuel et pas autant marqué au fer UMP qu'Alexandre Bompard.

Va donc pour Rémy Pflimlin. Et tant pis s’il était prévu qu’il prenne plutôt la tête d’Arte à la fin de l’année. A 56 ans, ce Mulhousien d’origine n’est pas un vieux briscard des médias. Il est apparu dans le PAF en novembre 1999 quand Marc Tessier, alors président de France Télévisions, le débauche du journal l’Alsace, pour diriger France 3. Avec Bertrand Mosca, directeur des programmes de la Trois, il tente de moderniser la chaîne des régions en recrutant Marc-Olivier Fogiel pour faire la causette en prime-time.

C'est aussi sous le règne de Pflimlin que se déclenche la grande polémique C'est mon choix , du nom de l'émission trash d'Evelyne Thomas qu'il défendra, avant de la supprimer faute d'audience. Que reste-t-il aujourd'hui de Pflimlin à France 3 ? Le hit Plus belle la vie . Bien que fidèle à Marc Tessier, Pflimlin, à la fin du mandat de son président, apparaît déjà comme un successeur possible. S'il prend la tête de France Télévisions, il devra savoir s'entourer. Ça tombe bien, l'Elysée lui adjoindrait déjà Jean-Pierre Cottet, ancien de France Télévisions, aujourd'hui chez Lagardère. Sauf qu'hier soir, Cottet n'était au courant de rien !

En tout état de cause, Patrick de Carolis qui, dans un ultime baroud après un mandat sans cesse empoisonné par les interventions de Nicolas Sarkozy, s'était porté candidat en juin, devra, encore une fois, manger son chapeau. Lui non plus n'a pas été prévenu ni du nom de son successeur ni de la date de son arrivée. Encore une fois, tout aura été décidé par l'Elysée.

Depuis l'annonce de la suppression de la pub sur les antennes publiques en janvier 2008 dont Carolis avait eu connaissance devant sa télé, jusqu'au nouvel organigramme de France Télévisions que Rémy Pflimlin va devoir dessiner. Avec l'aimable, on va dire, coopération de Nicolas Sarkozy.

Paru dans Libération du 30 juin 2010

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