Pincées de selles

par Quentin Girard
publié le 11 août 2011 à 11h29

[Phénomènes du Web 4/6] . La vidéo scatologique «2 Girls 1 Cup», visionnée des millions de fois, a dépassé le cadre de la pornographie ultrafétichiste.

L'homme ferme les yeux et a un violent haut le cœur. Se retient de vomir, étouffe plusieurs «Oh My God» et hurle «No, No !» pendant deux minutes. Scène de torture à Abou Ghraib ? Non, visionnage de 2 Girls 1 Cup . Une vidéo qui ferait passer Salo ou les 120 journées de Sodome, de Pasolini, pour un Disney.

Tout commence bien pourtant. Deux filles enrobées s’enlacent sur une chaise en formica dans une cuisine désuète. Au fond à gauche, un lave-vaisselle et un pot de fleur. Une petit musique au piano, tout ressemble à un porno cheap comme il en pullule. Puis, soudain, c’est le drame. L’une des deux jeunes femmes défèque dans une coupe de glace et s’ensuit une minute d’orgie où les deux dégustent une merde jaunâtre. Certes, ce n’est pas la première vidéo scatologique de l’histoire et ce n’est d’ailleurs que la bande-annonce d’un long métrage, Hungry Bitches («Salopes affamées»). Mais, au moment de sa diffusion en 2007, elle va marquer les esprits par sa viralité. Les internautes s’amusent à se l’envoyer sans dire ce que c’est, on observe un boom des recherches de ce terme selon Google Trends, et des dizaines de vidéos sur YouTube et Dailymotion y font référence. Le but est de surprendre son entourage pour le choquer et plus si affinités. 2 Girls 1 Cup devient rapidement un élément «culturel» réutilisé et transformé à l’infini sur Internet, le premier et le seul issu du porno ultrafétichiste. En règle générale, la pornographie en crée relativement peu. Pour le Web français, par exemple, la seule référence qui a dépassé les frontières de Mypornmotion ou de Pornhub est «la poutre de Bamako», et encore.

Les parodies essaiment dans le porno, avec des Japonaises qui se vomissent dessus ou avec un cheval dont nous ne parlerons pas. Surtout, des personnalités très diverses lui rendent hommage. Le blogueur de Los Angeles Perez Hilton poste une vidéo parodique sur YouTube, 1 Guy 1 Jar , vue un million de fois, des épisodes de South Park et de Family Guy la reprennent, une équipe de catch porte ce nom, etc. Le chanteur John Mayer a lui tourné 2 Guys 1 Cup où, avec un ami, ils mangent une glace sur la musique de la vidéo originale. L'expression est aussi utilisée sur des sites pour commenter de nombreuses photos. De deux filles dégustant un milk-shake à deux autres ayant gagné un tournoi de double au tennis et embrassant la coupe, tout est 2 Girls 1 Cup.

L'homme derrière tout ça était un parfait inconnu : Marco Antonio Fiorito, un Brésilien de 41 ans. Face au buzz, il a expliqué qu'il possède sa propre maison de production depuis 1994 avec sa femme et qu'il joue souvent lui-même dans ses films : «Quand nous avons commencé, nos seules vidéos étaient sur le fétichisme des pieds. Je pense que je suis un fétichiste compulsif et j'y dépense beaucoup d'argent.» Depuis, sa société vend toujours des films scatologiques sur Internet et il a eu le droit à sa définition dans le dictionnaire de l'argot américain, Urban dictionary - une forme de consécration. Il y est décrit comme «le bâtard complètement malade qui nous a apporté 2 Girls 1 Cup». Maudit soit-il ?

Paru dans Libération le mercredi 10 août.

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