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Libération

Noms de domaine sensibles : l'AFNIC devra cafter

par Geoffroy Husson
publié le 4 août 2011 à 12h29
(mis à jour le 5 août 2011 à 22h31)

Le décret d'application de la loi du 22 mai 2011, portant sur la modification de l'attribution de certains noms de domaine en .fr est paru hier au Journal officiel. Il charge l'AFNIC, l'association qui attribue les noms de domaine en .fr, d'une nouvelle mission, consécutive à la supression en octobre d'un article de loi par le Conseil constitutionnel. On va trop vite ? D'accord, on rembobine.

Jusqu'en octobre 2010, il était impossible d'acheter certains noms de domaine en .fr. S'il s'agissait parfois de mots clés sensibles comme pour hitler.fr ou satan.fr, d'autres étaient bien plus convenus comme internet.fr ou url.fr. Mais en censurant l'article L.45 du Code des postes et communications électroniques , le Conseil constitutionnel a mis fin à cette limitation. En effet, c'est cet article qui interdisait purement et simplement l'attribution de ces 30 000 noms de domaine, au motif qu'ils portaient atteinte aux droits de la propriété intellectuelle, à la liberté de communication et à la liberté d'entreprendre. Dès lors, le parlement avait six mois pour voter une nouvelle loi régissant l'attribution des noms de domaine. C'est ce qu'il a fait le 22 mai dernier, avec quelques modifications au programme. Désormais, l'AFNIC, l'association chargée d'attribuer les noms de domaine en .fr, doit étudier chacun des cas attentivement, puis les valider si le demandeur dispose d'un « intérêt légitime » . Un grand pas pour le droit de la propriété intellectuelle et les libertés de communication et d'entreprendre ? Peut être pas tant que cela.

Quand Mathieu Weill, directeur général de l'AFNIC, détaille à l'AFP la procédure à suivre pour monter un dossier de candidature en vue de l'attribution d'un de ces 30 000 noms de domaine, il évoque aussi cet « intérêt légitime » . « Il faut également justifier un intérêt légitime et agir de bonne foi, mais il y a une réserve supplémentaire qui dit qu'un nom de domaine peut être refusé s'il peut porter atteinte à l'ordre public » . Ce qu'il ne précise pas, Numérama s'en charge.

En effet, comme le révèle le site sur l'actualité numérique , le décret d'application de la loi du 22 mai, paru hier au Journal officiel, va plus loin que la simple vérification de la légitimité de l'intérêt du candidat. Comme le dispose l'article 2 de la section 1 du décret , l'AFNIC devra « signaler sans délai aux services du ministre chargé des communications électroniques les noms de domaine enregistrés ou sollicités présentant un caractère manifestement illicite ou contraire à l'ordre public en vertu de l'article L. 45-2 qu'il a identifiés ou qui lui sont signalés » . En d'autres termes, même s'il est désormais permis de candidater pour un nom de domaine litigieux tel islam.fr ou cannabis.fr, si le motif apparait « illégal » ou « contraire à l'ordre public » , l'AFNIC devra dénoncer le candidat au gouvernement.

Depuis un mois, 6 100 demandes ont d'ores et déjà été déposées auprès de l'AFNIC pour ces noms de domaine. Il suffit, pour se les voir attribuer, d'être le premier candidat sur le nom de domaine sollicité, et d'avoir un intérêt légitime à son obtention. C'est ce même intérêt légitime qui sera contrôlé par l'AFNIC au regard de sa légalité et de son respect de l'ordre public. D'après Mathieu Weill, « les noms les plus demandés sont de loin des termes comme internet.fr, url.fr, entreprise.fr ou pme.fr. Il y a aussi quelques demandes, largement minoritaires, pour musulman.fr, chretien.fr, juif.fr, voleur.fr, cannabis.fr ou encore piratage.fr » . Des associations condamnant la consommation de drogue ou le piratage, du moins on l'espère pour elles.

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