Critique

«Ponyo», à conte d’auteur

Animation. Le Japonais Hayao Miyazaki signe un nouveau chef-d’œuvre.
par Olivier Seguret
publié le 8 avril 2009 à 6h51

Un petit garçon, un petit poisson s’aimaient d’amour tendre, mais comment s’y prendre… Ecrire à propos de Hayao Miyazaki renvoie au même défi. Il y a sur l’écran tout un monde d’épure et de simplicité ; une vie cristalline saisie avec une délicatesse de fleur ; tout un peuple de personnages terriblement vifs, vivants et attachants ; des éclats et des menus détails dont la vérité et le réalisme écrasent les plus beaux efforts des plus grands cinéastes ; une vibration sociale, enfin, sensible et émouvante où chacun, enfants, vieillards, parents et anonymes, apprend à trouver sa juste place dans le courant vital et mystérieux que forme le ruban des destins humains depuis la nuit des temps.

Tout cela en dessins, couleurs, traits, musiques. Tout cela fait à la main et surgissant de la planche à dessin. Tout cela animé, c’est-à-dire doté d’une âme qui pourrait faire pâlir d’envie les plus obstinés chasseurs de réalisme. Tout cela défiant donc à la fois l’écriture et la critique, parce qu’appartenant de plein droit et en même temps à l’enfance ineffable dont les accès sont condamnés et à une maturité de vieux sage.

Mini-Walkyrie. Toutes ces raisons ont conduit à placer Miyazaki parmi les plus beaux cinéastes du monde, c'est-à-dire l'un des plus grands poètes enfantés par le monde afin de chanter ses louanges.

Ponyo sur la falaise se classe indiscutablement aux côtés de ses plus francs chefs-d'œuvre, Chihiro, Mononoke, Totoro ou Nausicaä. Attaché à raconter la passion amoureuse liant un garçon du littoral avec une petite poissone magique, Ponyo affirme s'inspirer de la Petite Sirène d'Andersen, et de nombreux éléments l'attestent. Mais le film est aussi très éloigné de cette matrice devenue universelle et décolle finalement vers un récit beaucoup plus proche du monde du conte et de la féerie que l'œuvre originale, sujette depuis toujours à des malentendus sur sa portée enfantine.

Miyazaki la fait clairement basculer vers un poème à la fois humaniste et écolo (la mer nourricière, si belle, si sale), sans jamais perdre de vue ce sens de l’épopée, si précieux dans tout son cinéma, ni surtout cette fantaisie éperdue et presque incontrôlable, comme un agent perturbateur interne, ce virus fou que Miyazaki injecte à tous ses films comme s’il voulait en subvertir lui-même l’admirable discipline. A cet égard, il faut avoir vu la petite Ponyo transmutée en mini-Walkyrie chevauchant les vagues du déluge au son d’un pastiche wagnérien…

Maîtres anciens. Parfait équilibre de classicisme fidèle aux techniques des maîtres anciens et de modernité en prise directe sur le monde contemporain (la mère du petit héros en femme japonaise libre, son père marin au long cours, la maison de retraite, l'école… toutes occasions d'aperçus saisies presque live), Ponyo n'est pas que superbe. Il est unique et admirable.

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