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Libération

Pougatchev débranche Francesoir.fr

par Isabelle Hanne
publié le 6 juin 2012 à 12h29
(mis à jour le 6 juin 2012 à 12h30)

L'histoire de France-Soir n'en finit pas de finir. Le journal en version papier, sous procédure de sauvegarde depuis fin août, est mort et enterré en décembre. Désormais, c'est la survie de son site internet , reliquat d'un journal fondé en 1944 et autrefois mythique, qui est menacée.

Son jeune propriétaire, le milliardaire russe Alexandre Pougatchev, a annoncé hier en comité d'entreprise extraordinaire sa volonté de se retirer du titre fin juillet au plus tard. Il a officiellement demandé le placement de la société éditrice de Francesoir.fr, les Editions du Nouveau France-Soir , en redressement judiciaire.

Ce n'est pas forcément la fin de France-Soir , qui a su renaître de ses cendres plusieurs fois, même au pire de sa forme. Mais c'est en tout cas la fin de l'ère Pougatchev. L'actionnaire de 27 ans, qui a investi près de 80 millions d'euros dans l'aventure France-Soir , a expliqué que «les résultats publicitaires du site n'étaient pas ceux qu'il attendait» , raconte Stéphane Paturey, secrétaire du comité d'entreprise. Et qu'il souhaitait trouver un repreneur avant l'été. Fin juin, le tribunal de commerce de Paris peut en effet décider d'une procédure de reprise, ou carrément d'une liquidation judiciaire. Pour le moment, aucun repreneur ne s'est manifesté. Et Stéphane Paturey doute des opportunités de reprise, «dans une période post-électorale et juste avant les vacances d'été…»

Malgré une période difficile -- un déménagement, les licenciements des salariés du papier -- l'équipe avait accompli des miracles, notamment en doublant la fréquentation du site en un an, à 4,2 millions de visiteurs uniques (VU) en avril, selon Google Analytics, grâce à l'actu présidentielle. Soit quasiment l'objectif fixé par Pougatchev, qui visait les 4,7 millions de VU. Et la plus forte croissance d'audience entre 2011 et 2012. «Hélas, ça ne lui a pas suffi , regrette Jean Berthelot de la Glétais, président de la Société des journalistes de France-Soir . Ce n'était qu'un prétexte.»

Hier, une assemblée générale avec les salariés a fait suite au comité d'entreprise. «C'est la colère et l'incompréhension , décrit Stéphane Paturey. On se lance sur un nouveau projet, les gens croyaient qu'il [Pougatchev, ndlr] y croyait, et finalement, il jette l'éponge six mois après… Est-ce qu'il avait prévu cette liquidation depuis décembre ? Au moment où l'audience du site augmente, l'actionnaire se tire…»

Malgré ces bons résultats d'audience, le chiffre d'affaires publicitaire des mois d'avril et mai, pendant l'élection présidentielle, a été décevant. «Le problème avec Pougatchev, c'est qu'il a toujours voulu une rentabilité immédiate , regrette Paturey. Sauf qu'un média, ça se construit sur le long terme, sur cinq-six ans comme il l'avait proposé dans son business plan devant le tribunal, en décembre.» La procédure de sauvegarde courait jusqu'au 28 juin. Avec sa transformation en redressement judiciaire, la direction cherche à accélérer le calendrier. Au final, les 47 salariés du site web pourraient connaître le même sort que les 87 autres dont le poste a été supprimé en décembre.

Paru dans Libération du 5 juin 2012

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