Pour l’Oreal, Ebay vaut bien un procès pour contrefaçon

Le leader des enchères en ligne aurait vendu des imitations de parfums.
par Christophe Alix
publié le 8 septembre 2007 à 10h34

La contrefaçon va-t-elle finir par plomber le modèle ô combien florissant des enchères en ligne ? Cette question pourrait devenir le cauchemar d’Ebay, le leader mondial et archi-dominant du ­secteur. Après Tiffany outre-Atlantique et LVMH en France, ce gigantesque bazar de la toile, qui vient de franchir la barre des dix millions d’inscrits en France, se retrouve une nouvelle fois sommé de rendre des comptes dans les prétoires par un géant du luxe. Cette fois, selon nos informations, c’est l’Oréal qui l’assigne simultanément dans cinq pays (Allemagne, Angleterre, France, Espagne et Belgique) pour contrefaçon de flacons de parfums de diverses marques de l’enseigne vendus sur son site.

L'Oréal qui chiffre le préjudice à «probablement plusieurs millions d'euros» , estime qu'Ebay, en n'empêchant pas la vente de ces produits, se rend coupable de fautes et de négligences et ce d'autant plus que «des solutions existent» , selon José Monteiro, directeur des marques chez l'Oréal.

A la différence d'autres affaires similaires, ce litige a connu un déroulement particulier. Entre fin mai et août, moment auquel la plainte a été déposée, les deux parties ont brièvement mais intensément coopéré pour tenter de trouver une solution à leurs différends. Une première chez Ebay, où l'on affirme avoir été aussi loin que possible pour répondre aux exigences de l'Oréal. En vain, vu les demandes «déraisonnables» qui remettaient en cause le cœur même de son modèle. «La lutte contre la contrefaçon passe par un travail de fond avec les marques et nous y sommes d'autant plus prêts qu'elle nuit aussi à notre image et à la confiance de nos usagers , explique Alexandre Menais, directeur d'Ebay France. Mais on ne peut pas accepter de fermer des catégories entières, sous prétexte qu'il circule quelques sacs ou parfums contrefaits. Cela doit se faire de manière proportionnée et sans porter atteinte à un nouveau mode de consommation plébiscité par des millions de consommateurs.»

Face à Ebay qui se pose en victime de la contrefaçon et défenseur de la liberté de commercer en ligne, les responsables de l'Oréal considèrent avoir été «baladés» et «très naïfs» . «On a vu des gens au plus haut niveau. Ils nous ont même invités en Irlande à venir observer un prétendu système dernier cri de filtrage des annonces et produits à risques , raconte José Monteiro. Au final, ils ne proposent rien de concret, en reviennent toujours à leur vieux système de contrôle a posteriori et nous demandent de faire le boulot à leur place en leur signalant les annonces frauduleuses» . Cette affaire tombe d'autant plus mal qu'Ebay travaille dur à changer son image sur ces questions. Devenu le quatrième distributeur mondial toutes catégories confondues, l'ex-sympathique vide grenier planétaire est conscient que ses responsabilités vont au-delà de celles d'un simple «intermédiaire technique» , comme il avait coutume de se présenter. Meg Whitman, sa PDG, a fait de la lutte contre la contrefaçon un des thèmes phare des derniers «Ebay live», le congrès annuel de l'entreprise, et s'est félicité que les plaintes aient diminué de 60 % dans le luxe en 2006 (son troisième secteur regroupé dans l'activité «vêtements et accessoires» avec 4,7 milliards de dollars de ventes en 2006).

Un discours que l'Union des fabricants pour la défense de la propriété intellectuelle (Unifab) considère «de façade» pour sa version française et qui ne change «absolument rien sur le fond» , juge-t-on chez l'Oréal. «Ebay n'est pas une victime puisqu'il touche sur chaque transaction et annonce, vraie ou fausse , note Xavier Herfroy, Monsieur Contrefaçon chez l'Oréal. Il joue d'autre part un rôle actif dans la promotion des 100 millions d'articles proposés à la vente et dépense pour cela des dizaines de millions d'euros par an en pub.» Faisant remarquer au passage qu'Ebay a réussi à bannir le commerce de l'ivoire et des médicaments de son site, l'Oréal argue que ce n'est pas «aux victimes, c'est-à-dire aux marques, de faire la police à la place d'Ebay» .

Sauf accord ultérieur, qu'aucune des deux parties n'exclut de «renégocier» , il reviendra à la justice de dire jusqu'où est ­engagée la responsabilité d'un hébergeur de ventes tel Ebay vis-à-vis du respect de la propriété intellectuelle des marques. Un débat qui fait écho à celui, pas si éloigné, de la responsabilité des fournisseurs d'accès à Internet dans la lutte contre le piratage.

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