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Libération

Pour redonner de la voix à YouTube

par Astrid GIRARDEAU
publié le 4 février 2009 à 14h54
(mis à jour le 4 février 2009 à 15h23)

«Le Massacre du Fair Use par YouTube» , titrait hier l'EFF (Electronic Frontier Foundation), énervée par les récentes suppressions de vidéos sur YouTube. L'organisation internationale, active sur les questions liées au numérique (droits des consommateurs, liberté d'expression, etc.), dénonce les notifications abusives des ayants droit, un système de détection inadapté, et finalement une atteinte au fair use (usage loyal) des utilisateurs. Elle a décidé d'agir.

Cela a commencé mi-janvier avec la suppression soudaine de la bande sonore de certains clips . Dix jours plus tard, ce sont des vidéos d'internautes reprenant des morceaux de leurs artistes préférés ou des mash-up qui étaient supprimés de la plate-forme vidéo de Google. Dans les deux cas, ces suppressions concernent des artistes signés chez Warner Music Group (WMG). En désaccord avec Google sur la répartition des revenus générés par ses vidéos sur YouTube, la major envisage par ailleurs de développer sa propre plate-forme de vidéos.

En illustration, l'EFF reprend l'exemple de la jeune Juliet Weybret, dont on parlait la semaine dernière , qui s'est vu retirer la vidéo où elle reprend Winter Wonderland , une chanson de 1934, mais toujours, 75 ans après, protégée par le droit d'auteur. Comme d'autres utilisateurs, elle a reçu un message de YouTube lui indiquant : « Ceci est une notification pour vous signaler que nous avons supprimé ou rendu inaccessible le contenu suivant suite à une notification de WARNER MUSIC GROUP selon laquelle ce contenu était une violation [du droit d'auteur]. »

Pour Fred von Lohmann, de l'EFF, ces suppressions sont abusives, et touchent au droit du fair use des œuvres. Cette notion, définie dans le code américain apporte des exceptions aux droits exclusifs de l'auteur sur son œuvre. S'il fournit un certain nombre de critères permettant l'usage d'œuvres protégées, leur appréciation reste de la décision d'un tribunal.

Aussi, l'organisation remet en cause le fonctionnement de Video ID, la

solution de détection automatique de contenus protégés mise en place par YouTube en 2007. Elle alerte les ayants droit quand l'une de leurs œuvres est diffusée sans leur autorisation et leur permet alors de la bloquer, de la promouvoir ou bien de la monétiser. Un type de système «primitif» , selon Fred von Lohmann, car «incapable de distinguer un remix et une atteinte au copyright» il filtre beaucoup de contenus qui utilisent simplement le fair use . Il rappelle que, dans ce sens, dès octobre 2007, l''EFF a demandé à YouTube des améliorations de son système, qui à ce jour n'ont jamais été apportées.

Surtout, von Lohmann s'inquiète que la sitaution empire, alors que de plus en plus d'ayants droit vont avoir accès à ce système (aujourd'hui il est encore limité à quelques centaines). «Bientôt, il sera impossible de remixer même des bribes de notre culture commune de mass media : musique, télévision, films, jingles, publicités. Ce serait tristement ironique que le copyright soit utilisé pour étouffer une nouvelle forme excitante de créativité, plutôt que de l'encourager.»

Si les utilisateurs concernés peuvent protester, trop peu ont les compétences juridiques nécessaires pour oser s'attaquer aux avocats de Warner Music, estime l'EFF, qui a donc décidé de leur venir en aide en apportant son aide juridique. Cela concerne uniquement les vidéos à usage non-commercial et qui contiennent un matériel propre à l'utilisateur. «Nous ne pouvons pas vous promettre de nous occuper tous les cas , conclue l'article, mais nous ne pouvons pas rester à rien faire, à regarder les notifications semi-automatiques piétiner le fair use.»

Sur le même sujet :

_ - Interdit de chanter sur Youtube ? (26/01/2009)

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