Programmation: in code we trust

par Marie Lechner
publié le 20 février 2012 à 14h03

«Programmer ou être programmé» , prophétisait l'essayiste américain Douglas Rushkoff, spécialiste des nouvelles technologies dans son livre éponyme de 2010 où il s'inquiétait de l'analphabétisme numérique contemporain. Deux ans plus tard, c'est le branle-bas de combat : 2012 est proclamé «Année du code» et inculquer l'informatique à ces écervelés de la génération Facebook devient une mission de salut public.

Apprendre à programmer, c'est reprendre la main sur les machines qui régentent nos vies, asservies aux vibrations du portable et aux bombardements de notifications des réseaux sociaux. «A l'ère digitale, celui qui a les clés de la programmation finit par construire la réalité dans laquelle vit le reste du monde» , dit Rushkoff. Qu'elles soient designées par Facebook, Google ou Apple, déplore l'essayiste et fervent partisan de l'open source, on se conforme à leurs visions, exécutant ce que commandent leurs logiciels, sans avoir la moindre idée de ce qui se trame derrière l'écran. Les ordinateurs et réseaux n'ont cependant pas toujours été un médium à sens unique. Dans les années 80, utiliser un micro-ordinateur et apprendre à le programmer était une seule et même chose. Tout détenteur d'un Commodore, Amstrad ou Atari, s'est essayé au code. Puis, les ordinateurs sont devenus de plus en plus user friendly et il n'était -- heureusement -- plus nécessaire de maîtriser le Basic pour pouvoir communiquer. Alors pourquoi cette soudaine injonction à devenir tous programmeurs ?

Code Year, un outil en ligne d’initiation à la programmation

«Savoir programmer, c'est comme pouvoir parler alors que les autres ne pourraient qu'entendre» , renchérit le gourou des médias. Un savoir qui pourrait s'avérer une puissante arme dans les années à venir, souligne le Washington Post qui présente les hackers comme la nouvelle élite politique et le code comme «la lingua franca des web activistes».

Outre-Atlantique, le nombre de cours a explosé. L'une des expérimentations les plus médiatisées étant Code Year , un outil en ligne d'initiation à la programmation qui a rallié plus de 360000 inscrits, assidus aux exercices de la Codecademy, école du code, créée par deux étudiants de l'université de Columbia, à New York. En Grande-Bretagne, c'est le Guardian qui prend la tête d'une campagne Digital Literacy visant à améliorer l'enseignement des technologies et de l'informatique dans les écoles anglaises. L'idée étant d'apprendre comment fonctionne un ordinateur et pas seulement comment on l'utilise.

Robozzle, un casse-tête consistant à contrôler un petit robot avec un jeu d’instructions simples

Le langage informatique, s'il peut paraître intimidant de prime abord, n'est finalement qu'un ensemble d'instructions traduites de manière à ce que les machines puissent les lire. Et il n'y a pas d'âge pour s'y coller. En France, l'atelier Hype(r)olds initie les dames de plus de 77 ans au Web et les Coding Goûters font de la programmation un jeu d'enfants. Lancé en janvier, notamment par Jonathan Perret, lui-même informaticien, ce rendez-vous mensuel rassemble des kids de 6 à 14 ans, qui se font la main sur Robozzle (casse-tête consistant à contrôler un petit robot avec un jeu d'instructions simples), bidouillent Scratch pour créer des petites histoires interactives et des jeux, apprennent le langage Python , voire créent un jeu pour iPad. «C'est un endroit où l'on peut explorer, se rencontrer, rater, recommencer, s'amuser.» Et manger des gâteaux, ce qui ne gâche rien.

Paru dans Libération du 18 février 2012

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