Pub pour les paris en ligne : le CSA fait carpette

par Raphaël GARRIGOS et Isabelle ROBERTS
publié le 21 mai 2010 à 10h04

«Je suis persuadé qu'entre spécialistes, il y a dû avoir tout un tas de paris sur le résultat de cette délibération» , badinait hier Michel Boyon, président du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA). Arf ! Impayable Mimi : il était précisément question de rendre publique la délibération du CSA concernant la pub pour les jeux en ligne.

Car, oui, les paris sur Internet, qu'ils soient footballistiques, chevalistiques ou pokeristiques, sont autorisés depuis la loi tout juste votée, et qui s'appliquera pour le démarrage de la Coupe du monde. Du coup, la pub l'est aussi, et c'est là que nos amusants amis du CSA doivent encadrer la chose. Car la loi précise que la pub pour ces services est «interdite dans les programmes […] présentés comme s'adressant aux mineurs.»

Il y a quelques semaines, le CSA dégaine des propositions plutôt sévères, basées sur des interdictions selon l’horaire. L’une d’elle, inspirée de l’exemple britannique, prohibe la pub pour les paris en ligne entre 5 heures du matin et 22 h 30 à la télé, et de 17 heures à minuit à la radio. Sauf lors de retransmissions sportives.

Mais les chaînes et stations privées font des bonds. C’est que la manne attendue est de l’ordre de 250 à 320 millions d’euros. Plutôt alléchant en ces périodes de vaches maigres publicitaires, et le CSA va flanquer tout ça par terre avec ses pudibonderies ? Pas de ça Lisette : les télés réunies au sein de l’Association des chaînes privées (ACP) et les stations au sein du Bureau de la radio tapent du poing sur la table et expliquent leur façon de voir au CSA.

Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'elles ont été entendues. «On a échappé au pire» , expliquait, hier à Libération , Nicolas Braganti, directeur délégué de l'ACP. Le texte rendu public hier est quasi-baba cool. Plus de restriction horaires, mais de l' «autocontrôle» pour les chaînes. La pub sera bien interdite dans les programmes s'adressant aux mineurs, c'est la loi. Mais ceux-ci ne se cantonnent pas aux Zouzous et autres enfantins Tfou , ce serait trop simple. Le CSA définit un «faisceau de critères» qui définissent les émissions s'adressant aux mineurs. Précisant que ces critères «ne sont pas exclusifs d'appréciation au cas par cas» . Traduction : ça risque d'être un merdier velu. Quid de la télé-réalité prisée par les jeunes ? Ou des émissions de catch ? De la libre antenne à la radio ? Les chaînes sont invitées à déclarer leurs programmes auprès du CSA et à adopter une «charte de bonne conduite» pour éviter les tunnels de pubs pour les jeux en ligne. Bon courage, d'autant que le CSA va aussi devoir veiller à ce que les émissions sportives ne se transforment pas en maxiréclames, les télés étant toutes en cheville avec des sites de jeux. Gaffe itou aux pubs elles-mêmes qui ne devront pas employer des personnalités kiffées des jeunes. Pas de Zizou donc. Mais Frank Michael est dispo.

«Ça risque d'être compliqué si les chaînes ne collaborent pas avec le CSA, admet Nicolas Braganti, les termes de la délibération sont suffisamment flous pour que ça ouvre la porte à un certain nombre de contentieux.» Au CSA, on reconnaît au texte une certaine «subjectivité» , mais on pense avoir l'arme fatale. La règle présentée hier n'est valable que pour six mois, et si les chaînes dérapent, il sera toujours temps de revenir à une version plus dure. On prend les paris ?

Paru dans Libération du 20 mai 2010

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