Quand Harry rencontre l'ebook

par Camille Gévaudan
publié le 30 mars 2012 à 18h21
(mis à jour le 30 mars 2012 à 18h23)

On ne dirait pas comme ça, mais le sorcier à lunettes fait un impressionnant come back dans l'actualité de ces derniers jours! Tandis qu'à Londres, Warner Bros ouvre (enfin) au public une reconstitution des décors des films annoncée depuis longtemps, la saga littéraire retrouve une seconde jeunesse sur le web via le site Pottermore.com, qui distribue désormais les sept tomes au format ebook.

Car aussi incroyable que cela puisse paraître, la série Harry Potter -- dont le premier opus, Harry Potter à l'école des sorciers , est sorti en 1997 -- n'a jamais été décliné en version numérique avant aujourd'hui. L'auteur J.K. Rowling y opposait depuis des années un refus buté, par amour du support papier et crainte que l'existence d'ebooks favorise le piratage de ses œuvres. Sa stratégie n'a pas été d'une efficacité folle : les PDF et autres versions scannées d' Harry Potter ont fleuri sur les réseaux pirates, parfois quelques heures seulement après la sortie officielle d'un volume dans les librairies. Ce n'est qu' en 2010 qu'elle a accepté de revoir sa position, et annoncé étudier «toutes les options» qui se présentaient à elles pour entrer enfin dans l'ère numérique.

Au grand désarroi de son éditeur Bloomsbury, qui ne possédait pas les droits d'exploitation numérique pour Harry Potter , Rowling a finalement décidé de faire cavalier seul et de commercialiser sous sa propre marque les futurs ebooks -- un mode de distribution bien plus intéressant pour elle, financièrement parlant. C'est donc en association avec son agent et son avocat qu'elle a créé la société Pottermore en juin 2011. Peu de nouvelles ont filtré depuis ce jour.

On savait que la bande de Pottermore mijotait un site Internet destiné à prolonger l'expérience des livres Harry Potter : les quelques internautes qui ont pu s'inscrire sur la version bêta s'y sont créé un avatar doué de pouvoirs magiques, se sont vus attribuer une «maison» à l'école Poudlard et ont essayé quelques mini jeux. Rowling promettait également de nombreux bonus tels qu'articles encyclopédiques sur l'univers du jeune sorcier, chapitres inédits, dessins, livres audio...

Le site devait ouvrir en octobre 2011, mais c'est seulement la semaine dernière qu'il est revenu à la vie en révélant sa boutique . Les sept livres audio (de 21 à 40 euros) et les sept ebooks (de 6 à 8,30 euros), ainsi qu'une édition intégrale pour chacun de ces formats, y sont vendus en exclusivité (en anglais seulement pour l'instant) grâce à des partenariats bien ficelés. C'est une première dans l'histoire du livre numérique: Pottermore.com est l'unique plateforme proposant ces livres à la vente. Que l'on passe par la boutique de sa liseuse préférée ou par n'importe quelle autre bibliothèque en ligne, on est toujours redirigé vers le site de J. K. Rowling. «C'est la première fois qu'Amazon et Barnes & Noble redirigent leurs clients vers un autre site pour l'achat, tout en leur donnant la possibilité de télécharger le contenu acheté sur leurs appareils dédiés» , se vante Charlie Redmayne, directeur exécutif de Pottermore.

Le coup a été finement joué. Les lives numériques sont vendus sans DRM et au format ouvert EPUB, compatible avec la quasi totalité des appareils en circulation -- smartphones, tablettes et liseuses. Y compris le très répandu Kindle d'Amazon, alors qu'Amazon n'a aucun contrôle sur la distribution des fichiers. «Le directeur exécutif de Pottermore a purement et simplement coincé Amazon , explique le site Actualitté. Amazon a dû accepter cet accord pour ne pas être hors jeu, mais on constate à quel point la concession est grande.» On ne peut rien refuser à Harry Potter .

Grâce à un partenariat avec la plateforme Overdrive établi pour cinq ans, les ebooks Harry Potter peuvent également être acquis et prêtés dans les bibliothèques et les écoles du monde entier.

Les ebooks sont certes dépourvus de DRM, mais il sont en échange affublés d'un watermark , une signature numérique invisible permettant de tracer chaque fichier. On retrouve là la paranoïa antipiratage de J.K. Rowling: par ce système, il est possible et très facile de retrouver l'acheteur originel d'un fichier en circulation sur les réseaux peer-to-peer... Ce qui vient d'ailleurs de se passer. Moins de 24 heures après l'ouverture de la boutique Pottermore, les premiers e-books piratés faisaient le tour du web . Le watermark n'a pas été effacé, et le responsable sera donc vite retrouvé... On lui conseille d'investir rapidement dans une bonne cape d'invisibilité.

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