Questions pour des religions

par Karine LE LOET
publié le 23 juin 2008 à 3h59

Une équipe rouge face à une équipe bleue, buzzer sous la main. Un quiz télé de plus. Sauf que celui-là opposera des candidats juifs et musulmans, ou encore chrétiens, sikhs, hindous ou bouddhistes. Le jeu s'appelle Faith Off. En clair, une confrontation (« face off ») de foi (« faith »).

Diffusée depuis samedi sur Islam Channel - une chaîne britannique du câble présente dans 31 pays et visionnable sur le Net - l'émission voit deux équipes se mesurer en trois rounds sur des thèmes d'actualité, de théologie ou de pratiques religieuses. Au détour de la dernière partie, les candidats choisissent de jouer sur leur terrain ou celui de leurs adversaires. Là, les plus courageux sont récompensés : un point sanctionne une question relative à leur propre croyance, trois points viennent saluer les bons connaisseurs de la foi d'en face. Trois rounds et un seul objectif : remporter une cagnotte «symbolique» de 200 livres (255 euros).

Déjà éprouvé lors des premiers enregistrements, le concept bouleverse toutes les idées reçues. Ici, un candidat juif érudit complète la liste inachevée des cinq piliers de l'islam donnée par une jeune musulmane. Là, un disciple de Mahomet corrige un concurrent juif sur l'âge requis pour célébrer une bar-mitsvah : «C'est 13 ans pour les garçons, 12 ans pour les filles», assure le jeune homme barbu à son adversaire en pleine confusion des sexes.

Musique pop. Un succès pour Abrar Husain, inventeur du concept : « Combien de fois pouvez-vous voir un juif et un musulman dans une même pièce riant aux blagues de l'autre ?» L'idée du jeu est née dans sa tête il y a quelques mois, comme une évidence. «Je ne voulais pas un programme interreligieux rasoir qui endormirait les enfants. Non, pour que le show ait un impact, il fallait qu'il séduise les 9 ou 10 ans, un âge où les enfants forment l'opinion qu'ils ont de leur foi et de celle des autres.» Alors l'émission s'est voulue amusante et interactive, rythmée par de la musique pop et le son des buzzers. «Il y a beaucoup d'initiatives louables qui font se rencontrer les différentes communautés. Vous allez à un gala, une expo, une réunion où l'on se parle autour d'une table mais quand c'est fini, c'est fini. Nous, nous encourageons les candidats à poursuivre l'expérience au-delà de l'émission. Et ça marche ! Souvent, les adversaires s'échangent leurs numéros et restent en contact.»

Véritable révolution sur la scène médiatique - le jeu est la seule émission interreligieuse du monde, assure Husain - le débarquement de Faith off sur les écrans est largement relayé sur le Web. Au point que la chaîne compte tirer profit de cette notoriété subite pour s'offrir le luxe de trier ses candidats sur le volet. Jusqu'ici seuls les prétendants porteurs d'un message politique ou les opposants au concept de mixage des religions étaient sommés de rester chez eux après un court échange téléphonique. Désormais, l'émission pourra s'offrir les joueurs les plus «drôles et divertissants», ou dégoter enfin - mission ardue - un groupe de bouddhistes.

Ecoles. Si le public se masse en nombre devant les écrans de Faith off, le programme devrait durer au moins cinq ans et gagner en ampleur et en budget. Restera à varier les plaisirs. Déjà, des organisations musulmanes ont proposé à Islam Channel de faire s'affronter des écoles juives et musulmanes. La chaîne, elle, compte bien organiser une version «célébrités» du show lors de son forum musulman, le Global Peace and Unity Event, à Londres en octobre. Y verra-t-on un rabbin corriger un prêtre sur les saints sacrements ou un bonze raconter l'histoire intégrale de Krishna ? A voir. Intérim à Londres

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