RFI et France 24, du gel dans la fusion

par Isabelle Hanne
publié le 19 janvier 2012 à 9h30

C'est le dernier petit caillou dans la godasse de l'Audiovisuel extérieur de la France (AEF), en pleine course de vitesse pour faire fusionner RFI avec la chaîne de télé France 24. Hier après-midi, la cour d'appel de Paris, saisie par les instances du personnel, a suspendu le projet de fusion tant que le cahier des charges définitif de cette fusion n'aura pas été communiqué au comité d'entreprise (CE) de la radio. C'est en effet ce cahier des charges qui détermine, dans ses grandes lignes, les missions fondamentales des futures rédactions fusionnées de l'audiovisuel public -- partenariats, respect de la diversité, missions éducatives, culturelles, sociales… «Ça fait trois ans qu'on leur réclame ! s'exclame Fiodor Rilov, l'avocat de l'intersyndicale. En obtenant la suspension de la fusion, les salariés ont gagné, la direction a perdu. C'est un échec cuisant pour Pouzilhac [patron de l'AEF, ndlr] et son équipe.»

La cour d'appel a en effet estimé «qu'en l'état, le comité d'entreprise ne dispose pas d'une information complète lui permettant d'émettre un avis éclairé sur le projet de fusion envisagé, et qu'il existe un trouble manifestement illicite qu'il appartient au juge des référés de faire cesser.» Selon l'avocat, le cahier des charges n'a pas encore été promulgué car il pourrait mettre en évidence les contradictions entre le projet de Pouzilhac et les missions fixées par les pouvoirs publics.

La cour d'appel a cependant rejeté les trois autres demandes des salariés de RFI. Entre autres, le Comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) de RFI demandait la suspension de la fusion dans l'attente d'informations complémentaires (formation, organisation du travail, reclassements…). Car depuis que la fusion est dans les tuyaux, raconte Me Rilov, «il n'y a pas eu l'ombre d'une trace de description des futures conditions de travail des salariés de RFI, une fois la fusion effective. Avec qui vont-ils travailler ? Quelles tâches ? Quelle sera l'organisation des bureaux, après le déménagement de la radio ?» Dans le cadre du projet de réorganisation, il est en effet prévu que RFI quitte la maison de Radio France, à Paris, pour emménager dans un immeuble voisin de France 24, à Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine). «Pour nous, cette décision de la cour d'appel est plutôt une bonne nouvelle , se réjouit pourtant Pierre Hanotaux, le numéro 2 de l'AEF. Le CHSCT a été débouté dans sa demande de repartir à zéro.» Concernant le cahier des charges, il estime que l'AEF n'a aucune responsabilité dans le calendrier, aux mains du ministère de la Culture et de la Communication et du CSA. «Dans l'idéal, le cahier des charges sera promulgué d'ici la semaine prochaine, et la fusion juridique pourra être effective d'ici quinze jours» , assure-t-il à Libération , tout en annonçant une importante «réorganisation opérationnelle» au sein de l'AEF, notamment pour la mise en place de la «fusion des rédactions pour qu'elles deviennent plurimédias» , avec des «passerelles d'un support à l'autre» .

Pour Fiodor Rilov, la direction de l'AEF «essaie de rendre la décision de la cour d'appel la moins douloureuse possible» , et va un peu vite en besogne. Il reste en effet plusieurs étapes avant qu'elle ait les mains libres : le gouvernement doit d'abord présenter le cahier des charges à l'Assemblée nationale et au Sénat, «ce qui permettra enfin aux élus de se prononcer sur l'opportunité du projet de fusion» , précise Elisa Drago (SNJ-CGT). Et une fois promulgué, le cahier des charges sera examiné par le CE de RFI. «Pour nous, c'est une belle victoire, maintient Julio Feo, secrétaire du CHSCT qui travaille pour l'antenne espagnole. Cette décision de la cour d'appel est très politique : elle dit que la direction de l'AEF et le gouvernement n'ont pas fait leur boulot. Après, ça n'empêchera pas le passage en force de la fusion…» L'intersyndicale mène, depuis le début, un vrai bras de fer avec la direction contre ce projet. «Quel sens ça a, pour le gouvernement, de rayer RFI des registres de commerce, sans faire un euro d'économie ?» s'interroge Elisa Drago, qui rappelle que la fusion s'accompagne d'un plan de 126 départs volontaires sur l'AEF, qui s'ajoutent aux 206 départs de RFI, en 2009. Les salariés doivent décider cet après-midi de la poursuite de la grève, entamée dans la nuit de dimanche à lundi.

Paru dans Libération du 17 janvier 2012

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