Radiohead: Le téléchargement illégal toujours devant

par Astrid GIRARDEAU
publié le 5 août 2008 à 14h20

Les internautes auraient préféré télécharger illégalement le dernier album de Radiohead, In Rainbows , que d'aller le récupérer sur le site du groupe où il était disponible à prix libre. Une étude menée par BigChampagne et la société anglaise d'auteurs MCPS-PRS Alliance, parue la semaine dernière, vient confirmer les premières estimations. Ainsi, du 10 Octobre au 3 novembre 2007, l'album aurait été téléchargé 2,3 millions de fois sur les réseaux p2p.

Le 10 octobre 2007, le groupe anglais, alors sans contrat avec une maison de disques, mettait son dernier album en téléchargement sur son site à un prix fixé par le consommateur, de 0 à 99 Livres Sterling. Très vite, on a cherché à savoir combien d'internautes avaient téléchargé illégalement l'album. Dès le 16 octobre, la société Big Champagne, spécialisée dans l'étude des réseaux p2p, sortait les premiers chiffres et estimait que le nombre de téléchargements illégaux d' In Rainbows , via les réseaux p2p, dépasserait rapidement celui des albums acquis sur le site du groupe. «Les internautes ne connaissent pas le site de Radiohead. Mais ils connaissent l'adresse de leur site BitTorrent favori, et ils l'utilisent tous les jours. C'est tout simplement plus facile pour eux d'obtenir la version illégale plutôt que la version légale» , expliquait alors Eric Garland, président de Big Champagne, à Forbes .

Aujourd'hui, le constat n'a pas changé mais les chiffres ont été revus à la hausse. Eric Garland et Will Page de la MCPS-PRS Alliance rapportent que, le seul jour de son lancement, l'album aurait été téléchargé 400000 fois sur les réseaux p2p contre 240000 annoncés en octobre . Du 10 octobre au 3 novembre 2007, il aurait été téléchargé 2,3 millions fois. Si Radiohead n'a jamais fourni de chiffre officiel sur le nombre d'albums téléchargés sur son site, cela dépasse les estimations des différents observateurs extérieurs, rapporte l'étude.

Après tout, ce n'est pas si étonnant. Si l'option gratuite était permise, l'opération misait sur la possibilité pour l'internaute de choisir le prix à payer. Celui qui ne voulait pas sortir sa carte bleue n'avait aucun intérêt à passer sur le site de Radiohead, qui l'obligeait par ailleurs à laisser son adresse mail pour obtenir les dix fichiers. Et ces chiffres montrent qu'un passage, même illégal, par Mininova ou The Pirate Bay pouvait paraître plus adapté.

Si l'étude estime qu'il y a trop d'inconnues et de variables pour tirer des généralités, elle explique qu'il est logique qu'une «offre libre révolutionnaire» ni totalement gratuite ni anonyme génère parallèlement un trafic sur les réseaux p2p. Et de citer l'exemple du groupe Nine Inch Nails. En mai dernier, le groupe a mis son dernier album , The Slip , en téléchargement totalement gratuit sur le site NIN.com. Résultat, il a été téléchargé plus de fois sur leur site que sur les réseaux p2p.

Pour rappel, lors du lancement d' In Rainbows , la démarche a fait grand bruit et hissé Radiohead au rang de précurseur dans un secteur en recherche d'initiatives fortes. Jusqu'à chez EMI, l'ancien label de Radiohead, qui parlait alors d' «une alarme bienvenue» . Mais l'engouement est retombé comme un soufflé quand le groupe a annoncé la vente de ses dix titres sur iTunes, et la signature avec le label XL pour la distribution d' In Rainbows en magasins. Et transformait l'expérience en coup d'essai médiatique. Déçu, le leader de Nine Inch Nails, Trent Reznor, a alors vivement critiqué «l'opération marketing» du groupe de Thom Yorke.

En conclusion, Eric Garland et Will Page expliquent avoir surtout essayé d'élever le débat sur le piratage au dessus du niveau zéro actuel ( «vous étiez un pirate, et maintenant vous allez être un citoyen respectueux de la loi» ). Ils rappellent par exemple que l'augmentation des ventes ne coïncide pas forcement avec une baisse du piratage. Depuis dix ans, leurs études ont monté au contraire que le piratage s'intéresse à ce qui est populaire, et que les albums et chansons les plus vendus sont aussi souvent les plus piratés quelles que soient les mesures de protection antipiratage mises en place par les majors. Ils estiment que ces dernières doivent intégrer les nouvelles habitudes des consommateurs, dont le partage de fichiers. Un tel discours de la part d'une société d'auteurs peut étonner, mais la MCPS-PRS Alliance s'est déjà faite remarquer l'année dernière pour avoir passé un accord avec YouTube. «Développer de nouvelles voies et trouver des nouveaux endroits où faire quelque chose, au lieu de rien, est important» , commente Will Page.

Par ailleurs, comme le souligne The Independent , l'étude tombe une semaine après l'entrée en vigueur, en Angleterre, d'un système qui rappelle la riposte graduée contre le téléchargement illégal, et en plein débat sur la mise en place d'une licence globale annuelle.

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