«Rani» : la saga du triple «rhâââ»

par Raphaël GARRIGOS et Isabelle ROBERTS
publié le 12 décembre 2011 à 12h24

Un triple A pour Rémy Pflimlin ! Enfin du mystère, enfin du sang, enfin du sexe, enfin du sexe (oui, on se répète mais y en a beaucoup), enfin l'air du large s'engouffrant dans la grand-voile du service public hardiment mené par le fier capitaine Pflimlin, exhalant des fragrances d'Orient, enivrant nos sens du parfum de la cardamome, du kari et de l'aventure : les gars, une saga. Nous en avions été honteusement privés cet été, mais là, alors là, tout est pardonné. Rani , ça s'appelle et nous embarquons dès ce mercredi, 20h35, sur France 2 pour croiser au large de Malabar et plonger avec délectation nos pifs dans la culotte d'Angélique, qui démarra Marquise des anges pour finir chez le Sultan (en changeant, on espère, de culotte). Car Rani , luxuriante production française, godille sérieux du côté des aventures de celle (Michèle Mercier) qui émoustilla nos grands-pères au bras de celui que nos grands-mères kiffaient grave : Geoffrey de Peyrac, joué par Robert Hossein (oui, les enfants, celui de la pub Audika pour les sourdingues). Succombons donc à la tyrannie Rani .

Rhâââ, l’histoire

Au générique, des plans colorisés au tandoori se succèdent : gravures genre eaux-fortes, éléphant, Jean-Hugues Anglade, et Rani s’inscrit plein pot en typo tamoule. Périgord, 1743, un homme galope. Enfin, son cheval, hein. Il fait un créneau devant le château, entre, pressé. Il y a un serpent sur le plancher (on vous expliquera) et là… Non mais à ce rythme-là, il nous faudrait 15 pages, Rani, c’est tout de même huit épisodes de 50 minutes pièce montés à la hache, enfin à la gurkha. Alors résumons. L’homme, c’est Philippe de Valcourt (Anglade), le méchant. Il tue son père qui, l’accusant d’avoir hypothéqué le château, l’a déshérité au profit de sa demi-sœur Jolanne (jouée par Mylène Jampanoï). Du coup, il essaie de la violer, récolte un coup de genou dans les joyeuses et cataclop-cataclop, Jolanne s’enfuit à cheval et se fait aussitôt gauler. Ce schéma viol-coup-de-boule-cataclop-arrestation (VCDBCA) nous sera resservi tout au long de la saga, voire plusieurs fois par épisode. Accusée de haute trahison (alors que le coupable était un bel Anglais, sauf que non, c’était son propre frère) et poursuivie par Laroche, un flic un rien gluant (on vous expliquera), Jolanne se retrouve, après plusieurs VCDBCA, tenancière d’un bordel en Inde dont elle a estourbi l’ancienne maquerelle, Lio, encore plus méchante que dans Nouvelle Star, qui se retrouve à baver dans un fauteuil roulant. Au passage, Jolanne s’appelle désormais Jeanne Dubois. Nouveau VCDBCA, Jolanne-Jeanne s’appelle maintenant Kadali et elle a perdu la mémoire. Ben oui. Un petit VCDBCA plus tard, Jolanne-Jeanne-Kadali est recueillie par le gouverneur de Pondichéry. Un autre VCDBCA et Jolanne-Jeanne-Kadali prendra un nouveau nom : Rani, ainsi qu’on appelle les épouses de maharajah. Oui, parce qu’il faut attendre le quatrième épisode pour que «rani» soit prononcé (par un vieux brahmane un peu défoncé, on vous expliquera).

Rhâââ, les ingrédients

Tout est là, strictement tout ce qu'exige une saga réussie. Une héroïne féminine, obligatoire depuis le Château des oliviers jusqu'à Dolmen . Un secret de famille si possible en forme de coucherie entre le seigneur et sa servante : c'est le cas de la bâtarde Jolanne, comme c'était le cas de la Maison des Rocheville l'an dernier sur France 2. Ah tiens, justement, la baraque familiale, crucial, ça, dans une saga : Jolanne la quitte très vite, mais faites-nous confiance, elle y reviendra. De même que l'amnésie et les morts pas morts, le frère déglinglos est une option toujours très courue : serial killer dans Zodiaque (TF1), milicien chez les Rocheville , dans Rani , il est un marquis rongé par le lucre et la luxure. Enfin, toute saga qui se respecte se doit d'être nappée de force violons. Là, dans Rani, le moindre geste est l'occasion d'un explosando de cordes überdramatiques et de chœurs au moins à la Nabucco afin qu'on comprenne bien que oui, houlala, le suspense.

Rhâââ, les phrases qui tuent

A l'intitulé de chacun des épisodes -- «Bâtarde», «Brigande», «Esclave», etc. --, on se doutait qu'on avait un artiste à l'écriture (c'est l'auteur de BD Jean Van Hamme), mais les dialogues, ah pardon. Ecoutez Valcourt-Anglade faire le pitch de Rani en une seule phrase à son père : «Quoi ? Cette petite bâtarde que vous avez eue en forniquant avec votre gouvernante indigène de Macao après la mort de Mère ?» Tout est dit. Du même, découvrant que sa trahison est payée en monnaie de singe : «Par la malepeste, des pièces anglaises !» Valcourt toujours, découvrant que sa sœur n'est pas aussi morte qu'il croyait : «C'est bien elle, s'accrochant à la vie comme du chiendent au blé !» Mais Jolanne-Jeanne-Kadali-Rani se défend bien. «Quel jour sommes-nous ?» susurre-t-elle à celui qui vient de lui faire perdre sa fleur (nous aussi, on devient lyrique). «Le 8 mars, pourquoi ?» répond le nigaud. «Parce que c'est le jour où je suis devenue une femme.» Et même amnésique, elle n'en perd pas son style : «Il y a toujours ce mur blanc entre moi et moi.» Autant d'impérissables sentences déclamées par un Jean-Hugues Anglade bizarrement toujours au bord du fou rire (et il y a de quoi) et par une Mylène Jampanoï dont le jeu n'est pas, dans ses meilleurs moments, sans évoquer celui de Sophie Marceau, c'est dire.

En huit épisodes, on a dénombré huit VCDBCA (avec des variantes, hein) où est systématiquement impliqué le flic Laroche (bon, on vous a pas expliqué, mais pour le serpent et le vieux brahmane, on n’aura pas la place non plus) qui, à chaque fois, récolte une nouvelle blessure à un endroit différent du corps, une gageure. En autant d’épisodes, nous n’en avons dénombré aucun sans apercevoir les fesses de Jolanne (ou ses seins). Car Jolanne, quand elle n’est pas violée, couche avec tout le monde : future belle-sœur, femme du gouverneur, bel Anglais, bandit de grand chemin, pute hindoue, amiral de passage, maharajah à dos d’éléphant, Jolanne fait vraiment tout. Ajoutés à la foultitude de scènes de cul les 15437 coups de fouet recensés (dos, fesses, pieds), et vous voilà sur le flanc, râlant Rhâââni pour qu’elle revienne.

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