Riposte graduée: Barroso dit non à Sarkozy

par Astrid GIRARDEAU
publié le 6 octobre 2008 à 16h42
(mis à jour le 7 octobre 2008 à 1h18)

La Commission européenne vient de rejeter officiellement la demande du président français Nicolas Sarkozy concernant l'amendement 138 du Paquet Télécom.

Pour rappel, vendredi dernier, Nicolas Sarkozy adressait une lettre à José Manuel Barroso le sollicitant pour qu'il rejette l'amendement voté le 24 septembre dernier par 88% des parlementaires européens, et qui établit que seule l'autorité judiciaire, et non une autorité administrative, peut restreindre les droits et libertés fondamentales. Ce qui remet en cause lourdement le système de riposte graduée du projet de loi Création et Internet voulu par le gouvernement français.

Ce midi, la Commission européenne a expliqué avoir pris note de la lettre envoyée par le président Sarkozy. Après avoir rappelé que l'amendement a été adopté en séance plénière par une très large majorité des députés européens, elle dit tout d'abord vouloir «respecter cette décision démocratique» du Parlement européen. «De l'avis de la Commission, cet amendement est un rappel important des principes juridiques clés inhérents à l'ordre juridique de l'Union européenne, en particulier des droits fondamentaux des citoyens» .

Elle poursuit : «le texte de l'amendement a été délibérément rédigé afin de laisser aux États membres la possibilité d'agir dans un juste équilibre entre plusieurs droits fondamentaux, à savoir le droit du respect de la vie privée, le droit de la propriété, et le droit à la liberté d'information et d'expression.» Et conclut qu'elle peut donc «accepter l'amendement proposé par le Parlement européen» , et «invite le gouvernement français à discuter de son point de vue sur l'amendement 138 devant les ministres des 26 autres États membres.»

Contacté, Martin Selmayr, porte-parole de la Commission européenne chargée de la société de l'information et des médias (chapeautée par Viviane Reding), explique : «ce n'est pas à la Commission de rejeter un amendement voté par les neuf dixièmes du Parlement Européen» . Il rappelle que «la Commission ne peut rejeter un texte que si l'équilibre constitutionnel est en danger. Or cet amendement n'est rien d'autre qu'une constatation du droit actuel.» Il rappelle également que c'est d'abord au Conseil de se prononcer, et que la Commission se prononcera après, et jouera alors le rôle de facilitateur si nécessaire.

De son côté, Philippe Aigrain, co-fondateur de la quadrature du net, estime que «cela confirme l'analyse formulée de manière générale sur deux points clefs. Un, l'amendement est une réaffirmation du droit européen, mais une réaffirmation importante. Deux, il est aberrant que le président français demande à la commission de rejeter l'amendement» . Il souligne également que la crédibilité de la Commission était en jeu. Selon lui, face à la demande frontale de Nicolas Sarkozy, elle n'a pas eu d'autre choix que de ne pas donner suite.

«C'est un véritable camouflet que vient d'infliger la Commission européenne à Nicolas Sarkozy en renvoyant la question de la suppression de l'amendement 138 au Conseil de l'Union européenne!» , a réagi l'eurodéputé Guy Bono, à l'origine de l'amendement, dans un communiqué. Se félicitant de la décision de la Commission Européenne, il conclut : «ce n'est qu'en résistant aux pressions politiciennes des Etats membres que la construction européenne avancera et que l'Europe se rapprochera enfin de ses citoyens.»

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