Riposte graduée : L'amendement 138 de retour

par Astrid GIRARDEAU
publié le 9 mars 2009 à 11h04
(mis à jour le 2 avril 2009 à 12h53)

«Si cet amendement est retiré, je le redéposerai de toute façon en deuxième lecture au printemps 2009. 88% des députés l'ont voté donc on aura un vote équivalent, car ils ont bien compris le projet. La France va se mettre hors-la-loi en Europe, et sera obligée de rectifier, ce qui est stupide» , promettait Guy Bono en octobre dernier.

Il anticipait le rejet de l'amendement 138 par le conseil européen des ministres télécoms. Ce qui fut effectivement le cas le 27 novembre dernier . Comme promis, l'amendement a été réintroduit vendredi dernier, sous le numéro 46. A noter qu'il a été déposé par la rapporteuse elle-même, Catherine Trautmann.

Pour rappel, cet amendement torpille le projet de loi français Création et Internet, en indiquant que seule une autorité judiciaire peut porter atteinte aux «droits et libertés fondamentales des utilisateurs» (1). Autrement dit, il empêche qu'une haute autorité administrative telle l'Hadopi définie dans le projet de loi du gouvernement français puisse décider de la déconnexion d'un Internaute.

Depuis son dépôt, ces quelques lignes sont l'objet d'une série de rebondissements, sûrement loin d'être terminée. Le 24 septembre dernier, le texte était adopté par une très large majorité (88%) des députés européens. Depuis, la ministre de la Culture avait beau répéter « ce texte ne m'ennuie pas au plan juridique » , la tension montait d'un cran rue de Valois. Le 4 octobre dernier, Nicolas Sarkozy lui-même envoyait une lettre au président de la Commission, José Manuel Barroso, lui demandant à titre personnel de retirer l'amendement. Le 6 octobre la Commission européenne rejetait officiellement la demande du président français, et le 21 octobre, annonçait retenir le fameux amendement.

Il en fallait plus au gouvernement français pour se laisser abattre. Aussi, quelques jours avant le Conseil des ministres européens, il obtenait «l'accord des autres pays» pour rejeter «ou au pire s'abstenir» , et ainsi réunir une majorité qualifiée d'Etats membres autour d'elle et faire supprimer le texte. «Le Conseil, à l'image de Nicolas Sarkozy, donne une piètre image de la démocratie européenne , déplorait alors Guy Bono. Quoi qu'ils en disent, cet amendement posait manifestement des problèmes à Nicolas Sarkozy et à ses amis les majors.»

Alors que le projet de loi Création et Internet doit être examiné à partir de demain, mardi 10 mars, par l'Assemblée nationale, reste qu'une

une règle procédurale, définie par la Directive 98/34/CE, établit qu’un Etat membre ne peut pas légiférer sur un sujet en discussion au niveau européen.

Par ailleurs, cet amendement a été renforcé par le vote à l'unanimité du rapport Stavros Lambrinidis , il y a deux semaines, en Commission, et selon lequel : «chaque individu tout au long de sa vie devrait avoir le droit d'accéder à l'ordinateur et à Internet. Les gouvernements devraient garantir un tel accès, même dans les régions les plus éloignées et pour les citoyens les plus pauvres. En outre, cet accès ne doit pas être refusé en tant que "sanction" contre les infractions des citoyens.» Ce texte devrait passer en séance plénière, au Parlement Européen, autour du 23 mars.

Par ailleurs, on a également appris la confirmation du report sine die du rapport Medina Ortega , qui lui préconisait le principe de riposte graduée. Et ce malgré les nombreuses pressions, notamment de la part de Jacques Toubon.

Selon nos informations, le Paquet Télécom devrait passer en deuxième lecture devant le Parlement européen le 22 avril. Le texte de compromis devrait être confirmé par le président du Parlement Européen, le 19 avril, ce qui marquera le début du délais de trois mois pour que le texte passe en séance plénière.

(1) Amendement 138, déposé par les eurodéputés Guy Bono, Daniel Cohn-Bendit, et Zuzana Roithová : « en vertu du principe selon lequel aucune restriction aux droits et libertés fondamentales des utilisateurs finaux ne doit être prise sans décision préalable de l'autorité judiciaire en application notamment de l'article 11 de la charte des droits fondamentaux, sauf en cas de menace à la sécurité publique où la décision judiciaire peut intervenir postérieurement »

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