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Robert McKee : vie d’un faiseur d’histoires

Cinéma. Le scénariste américain, qui enseigne l’art du script comme d’autres la linguistique, donne à Paris un séminaire bien rodé.
par Bruno Icher
publié le 20 avril 2010 à 0h00

Depuis quelques années, c'est devenu une sorte de rite saisonnier. En même temps que les hirondelles, Robert McKee débarque à Paris pour y donner son célèbre séminaire d'écriture de scénario, «Story». Durant quatre jours pleins, cet Américain de 69 ans se livre à un show parfaitement rodé depuis plus de vingt ans sur tous les continents et qui ne cesse de conquérir de nouveaux adeptes, y compris et surtout dans le giron hollywoodien où le bonhomme a valeur de gourou. Paris a connu le sien la semaine dernière et, avant de s'envoler vers le Chili, prochaine étape de sa tournée, McKee a ajouté trois modules spécifiques à son séminaire (1). Le premier est consacré à l'écriture d'un thriller (22 avril), suivront la comédie (23 avril) puis la love story (24 avril).

Quelques chiffres jetés dans le curriculum vitae promotionnel de McKee se chargent de démontrer la pertinence de son enseignement. Parmi les milliers de participants à son séminaire, on trouve une bonne trentaine de scénaristes oscarisés, sans oublier des centaines de nominés aux Golden Globes et aux Emmy Awards, ou de lauréats des prestigieux prix du Writers Guild of America, le syndicat des auteurs américains. S’il se garde bien d’affirmer que tous ces braves gens doivent leur prix à sa recette miracle, il n’oublie pas de souligner qu’ils ont tous assisté à son séminaire. Tous sauf Steven Spielberg, dit la rumeur.

Golf. La clé de ce succès repose principalement sur le parcours de ce natif de Detroit. Dans ses jeunes années, Robert McKee voulait être acteur. Il monte sur scène dès l'âge de 9 ans, mais les revenus modestes de sa famille le conduisent à bosser dur pour poursuivre ses études, avant de penser à faire carrière. D'une longue expérience comme caddy, grâce à laquelle il obtient une bourse pour étudier le théâtre à l'université du Michigan, il garde une passion dévorante pour le golf. Quelques tentatives de mise en scène plus tard, c'est le métier ingrat de script doctor, homme de l'ombre des studios réparant les scénarios déficients, qu'il embrasse enfin, avant de s'engager dans l'enseignement. A San Diego, d'où il place plusieurs scénarios aux studios, puis en Caroline du Sud où il a écrit son best-seller, la méthode Story, avant de passer par les prestigieuses USC à Los Angeles, Harvard ou Yale.

Parallèlement au triomphe de son livre, McKee organise des sessions spéciales pour professionnels du cinéma et de la télévision puis, succès aidant, ouvre son séminaire à tous les aspirants scénaristes, dont une majorité sort avec le sentiment d'avoir de l'or au bout du stylo. «Tout ce que je prétends leur offrir, c'est une méthode pour conter leur histoire le mieux possible. Je ne leur promets pas d'avoir du talent», corrige coquettement McKee.

Critiques. Au fil de ce parcours un peu particulier, l'homme a acquis deux vertus. En premier, celle de pouvoir capter l'attention d'un auditoire de trois cents personnes pendant quatre jours avec la maîtrise d'un vieux routard du one-man-show, ponctuant son propos de dizaines d'anecdotes savoureuses. D'autre part, McKee sait user du ton professoral de celui qui ne doute jamais. Ce qui lui vaut, évidemment, des détracteurs. Charlie Kaufman s'était un peu moqué de lui et de son infaillible méthode dans son film Adaptation.

Des critiques américains lui reprochent également de faire la part trop belle au rôle du scénariste au détriment de celui du metteur en scène. Il est vrai que, durant ces quatre jours, McKee ricane souvent au sujet des «auteurs» qui filment de belles histoires sans jamais les inventer. Enfin, autre argument qui lui est souvent opposé, Robert McKee n'a jamais écrit un scénario qui ait cassé la baraque aubox-office ; à quoi il rétorque : «Le monde est plein de gens enseignant des choses qu'ils ne peuvent accomplir eux-mêmes.»

(1) Musée national des arts et traditions populaires, 6 avenue du Mahatma Gandhi, Paris XVIe. Rens : www.dixit.fr

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