Roger Gicquel, la France en pleurs

Disparition . Le présentateur star du JT est mort samedi, à 77 ans.
par Raphaël GARRIGOS et Isabelle ROBERTS
publié le 8 mars 2010 à 0h00

De Roger Gicquel, mort à 77 ans samedi des suites d'un infarctus, tout le monde se souvient du fameux «la France a peur», scandé sur un ton dramatique le 18 février 1976 en ouverture du JT de TF1 alors que Patrick Henry, 22 ans, vient d'être arrêté pour le meurtre de Philippe Bertrand, 7 ans. On se souvient moins de la suite de ce qui est resté dans les mémoires télévisuelles comme une diatribe sécuritaire : «Nous avons peur et c'est un sentiment qu'il faut que nous combattions, je crois, parce qu'on voit bien qu'il débouche sur des envies folles de justice expéditive, de vengeance immédiate et directe, et comme c'est difficile de céder à cette tentation quand on imagine la mort atroce de cet enfant.»

C'était ça, Roger Gicquel, des éditoriaux qui ouvraient le JT. Et ce ton de croque-mort, ces cernes bistre, cet homme gris et grave sur fond orange, bleu, rose de l'habillage de TF1. Cet air, qui avait fait dire à Coluche : «Quand y a un avion qui s'écrase dans le monde, c'est sur les pompes à Roger Gicquel.»

Le 28 juillet 1976, à 4 h 13, un homme est décapité «en réparation», dit l'acte officiel collé sur la porte de la prison des Baumettes, du meurtre de Marie-Dolorès Rambla. Le soir, à 20 heures, seize heures après la mort de Christian Ranucci, Gicquel, avec, en fond d'image, une guillotine, lâche un plaidoyer contre la peine de mort. «Il y a ceux qui sont pour, vous l'êtes, déclare-t-il l'œil rivé au fond de la caméra, mais on ne convaincra jamais ceux qui sont contre.» Ça aussi la mémoire télévisuelle l'avait zappé.

Né en 1933, steward puis comédien, Roger Gicquel devient journaliste en 1961, au Parisien libéré. En 1968, il est à France Inter (revue de presse, grand reporter) avant de rejoindre l'ORTF en 1974 et de présenter le JT de TF1 entre 1975 et 1981. Engagé à la télé précisément pour son ton éditorialisant : «Je voulais un journal personnalisé, explique-t-il à la revue Médias en 2007. Un journaliste qui relate un événement effroyable, s'il n'a pas cette once d'émotion naturelle, n'est pas humain. Aujourd'hui, l'information à la télévision est désincarnée, directe et sans état d'âme.» En 1981, il lâche les manettes du 20 heures lassé par la célébrité que lui confère ce rôle. «Ma notoriété de l'époque était violente», racontera-il en 2007.

Plus tard, ce sera la revue de presse de France Inter le week-end et puis, sur France 3 Ouest, une émission, En flânant, un titre qui répond aux Vagabondages qu'il anime sur TF1 après l'arrêt du 20 heures. La Une, qu'il a quittée définitivement en 1986, au moment où elle est privatisée. Explication de Gicquel : «Je suis un homme du service public.»

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