Royaume-Uni : Bientôt un flic dans l'ordi ?

par Astrid GIRARDEAU
publié le 5 janvier 2009 à 17h36

Le département britannique de l'Intérieur (Home Office) prévoit la mise en place d'un plan permettant à la police de s'introduire sans mandat dans les ordinateurs personnels de l'ensemble de ses citoyens. Une décision adoptée «discrètement» selon le Times et vivement critiquée par les députés de l'opposition et les groupes de protection des libertés civiles qui dénoncent l'extension d'un état de surveillance.

Ce plan permettrait ainsi à tous les policiers britanniques et aux officiers du MI5, le service de renseignement britannique, d'accéder à distance aux ordinateurs et, par exemple, de récupérer des informations issues aussi bien du disque dur que des pratiques en ligne (e-mails, messagerie instantanée et web). Les détails ne sont pas encore connus, mais, selon le journal anglais, pour activer une telle surveillance, il suffira qu'un haut fonctionnaire «estime» qu'elle est «proportionnée» et nécessaire afin de détecter ou d'empêcher un crime grave, c'est-à-dire un acte qui pourrait être puni d'au moins trois ans d'emprisonnement. Selon Richard Clayton, chercheur en informatique à l'université de Cambridge, les moyens utilisés par la police pour pénétrer un ordinateur seraient entre autres le keylogger (un logiciel espion qui permet d'enregistrer les touches frappées sur le clavier), l'envoi d'un mail contenant un logiciel malveillant (malware), ou encore l'utilisation du réseau sans fil.

Cette décision a été motivée par le vote, il y a un mois, du conseil des ministres européens d'une nouvelle «stratégie» visant à combattre la cybercriminalité. Parmi les mesures adoptées, cette dernière « encourage (...) à recourir aux recherches à distance, aux cyberpatrouilles pour le dépistage en ligne des criminels et à des enquêtes communes dépassant le cadre des frontières.» Ainsi, le plan du département anglais de l'Intérieur prévoit que les pays membres de l'Union Européenne puissent demander aux officiers britanniques d'intervenir et de recueillir du matériel.

Pour les associations de défense de la liberté civile, c'est un nouveau pas vers la création d'une base de donnée «Big Brother» et la violation des libertés individuelles. Selon, Shami Chakrabarti, directrice de Liberty , un groupe de défense des droits de l'homme, «c'est comme si on cassait la porte de votre maison et qu'on entrait chez vous» . Interrogée par le Times , elle estime que le «public voudra que ça soit contrôlé par une nouvelle loi et une autorité judiciaire. Sans ces garanties, c'est un coup dévastateur à toute notion de vie privée.»

Au Royaume-Uni, cela s'ajoute à l'immense canevas de caméras de vidéo-surveillance (près de 5 millions dans tout les pays), une base de données ADN de quatre millions de citoyens, ou encore le passage imminent à la carte d'identité biométrique qui, selon The Independant , «va ouvrir la voie à la plus grande base de de données d'identité du monde» .

En France, de nouvelles mesures d'espionnage numérique sont également envisagées dans le cadre de la loi nouvelle loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (dite Lopsi 2). En décembre 2007, Le Figaro révélait ainsi que le ministère de l'intérieur souhaitait faciliter la surveillance et l'enregistrement de données à distance des particuliers via notamment l'installation de logiciels malveillants type chevaux de Troie sur leur ordinateur. Par contre, pour le moment, il est prévu que ce pouvoir reste sous contrôle judiciaire. Après de multiples reports, la nouvelle loi devrait être présentée début 2009.

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