SFR et Free : le match de l'illimité (limité)

par Camille Gévaudan
publié le 19 janvier 2011 à 16h28
(mis à jour le 8 février 2012 à 14h28)

À quelques jours de la hausse de la TVA, la tension est à son comble dans le petit gymnase du triple-play. Les opérateurs vedettes se rouent de coups depuis plusieurs mois déjà. Sur le ring central, deux adversaires particulièrement hargneux semblent s'être pris en grippe et se battent en frontal, offrant un beau spectacle de feintes stratégiques et de ripostes calculées. À gauche, le maillot rouge SFR, qui avait ouvert la bataille des box en novembre dernier avec sa Neufbox Evolution. À droite, l'insolent Free, qui a voulu bouleverser le cours des choses avec une offre «V6» plus qu'agressive. Au centre, UFC Que Choisir, qui pimente le match en épinglant l'un et l'autre sur leurs promesses d'appels «illimités» vers les mobiles. Autour, le public des abonnés, captivés, haletants, suant à grosses gouttes sur les lettres de résiliation prêtes à l'emploi que lui a fourni l'association de consommateurs. Ils ont le stylo à la main, il sont prêts à s'en servir. Tin tin tin...

Quiconque a allumé sa télé ne serait-ce qu'une fois à la fin 2010 s'en souvient bien : c'est SFR qui a ouvert le bal, et inondé les chaînes de sa pub hallucinée jusqu'à l'overdose. «Ne zappez plus, naviguez !» , clamait le vieil opérateur téléphonique, qui se croyait avant-gardiste en lançant sa Neufbox Evolution. Mais à peine un mois plus tard, Free a répondu «Révolution» à l'«Évolution» et sorti son propre joujou technologique avec force arguments percutants : lecteur Blu-ray (bim !), gros disque dur, serveur NAS en réseau et téléchargement de torrents (bam !), appels inclus vers les mobiles... BOUM ! C'était de loin l'innovation la plus menaçante pour la concurrence, et en particulier pour les opérateurs vendant également des forfaits mobile.

Blessé dans sa fierté, SFR a vite fait d'aligner son offre sur celle de Free pour tenir la comparaison. Réagir le plus rapidement possible était essentiel, à l'heure ou des millions d'abonnés français ont la possibilité de changer de fournisseur d'accès à Internet, sans frais, grâce à la réévaluation de la TVA. Les forfaits Evolution bénéficient donc, depuis ce matin, de cette même possibilité de passer des appels «illimités» vers les mobiles depuis la ligne ADSL. Les clients de l'ancienne offre Neufbox peuvent aussi en bénéficier avec une option à 3 euros par mois.

Finalement, c'est peut-être sur le terrain de la transparence que la bataille des appels illimités va se jouer. Dans un article publié hier , l'UFC Que Choisir a posé sa grande loupe sur les offres de Free et SFR avec scepticisme : «tout "compris" qu'ils soient, les appels vers les mobiles n'en sont pas moins… limités.» C'est la problématique habituelle des offres «illimitées» limitées, comme on les connaissait déjà avec les forfaits de téléchargement de musique . Ici, SFR pose une barrière à 250 numéros différents appelés dans le mois et 3 heures de communication ininterrompue par appel. Ce qui ne pose pas de problème «dans le cadre d'un usage normal d'un client grand public» , comme l'annonce l'opérateur, mais peut contraindre les télétravailleurs qui utilisent la ligne de leur domicile pour passer des appels professionnels.

Du côté de Free, le nombre d'appels n'est pas compté mais la durée doit rester inférieure à... à... Attendez, l'UFC est en train de chercher... Elle épluche le contrat... Mais elle ne trouve pas : «Dans sa brochure, Free renvoie le client aux Conditions spécifiques liées à son service téléphonie. Et dans ce document, pour définir « l'usage raisonnable » qui conditionne le service, le FAI fait cette fois référence à des chiffres publiés chaque trimestre par l'Autorité de régulation des communications (Arcep). Pour connaître la durée de communication vers les mobiles comprise dans son forfait, un utilisateur doit donc se rendre sur le site Internet de l'Arcep et y consulter l'Observatoire trimestriel des marchés des communications électroniques. Un brin contraignant !» Dans le document de l'Arcep sont détaillées les moyennes mensuelles d'appels téléphoniques passés par les Français, soit 2h51 depuis un fixe et 5h03 depuis les box. S'agit-il de ces chiffres-là ? Rien n'est sûr, puisque Free a refusé de répondre à cette question.

Les mots sont choisis : «téléphonie mobile incluse», pas «illimitée»

Mais un porte-parole de Free interrogé par le Point laisse entendre que le problème est ailleurs. Selon lui, la porte est laissée ouverte pour permettre un examen approfondi des dossiers que Free suspectera de fraude, indépendamment du volume d'appels passés. Il s'agit surtout de repérer ceux «qui revendent les communications à la minute ou qui mettent en place des systèmes d'appels automatique.» Ces cas, «rarissimes» , sont sanctionnés d'une suspension de ligne. Mais les simples Freenautes ne devraient pas craindre de surfacturation parce qu'ils sont un peu trop bavards. Une politique prudente, vu les tournures employées dans les dernières publicités de Free : « Avec la nouvelle Freebox, tu peux appeler tous les mobiles en France. Autant que tu veux. Et c'est compris. Bref, tu parles sans compter. »

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