«Sarkozy a tenté de planter le drapeau français sur Internet»

par Alexandre Hervaud
publié le 27 mai 2011 à 14h07

Mardi dernier, dans notre compte-rendu du discours de Nicolas Sarkozy en ouverture du forum e-G8, on s'était fait l'écho de l'échange entre le Président de la République et le journaliste américain Jeff Jarvis. Ce dernier, spécialiste du Net et auteur de la Machine Google , parue en 2009, avait brièvement tenté d'expliquer au Président son souhait de le voir prêter le serment d'Hippocrate adapté au Net, qu'on pourrait résumer à : ne lui faites pas de mal. Cette notion avait été expliquée la veille dans un billet paru sur le blog de Jarvis, et la réponse du Président, moqueuse, montrait bien le décalage entre l'actuel locataire de l'Elysée et les représentants de l'Internet libre.

Au cours de la journée, nous avons eu l'occasion de poser quelques questions à Jeff Jarvis :

Parmi ses propos, on notera le regret de ne pas avoir vu une initiative comparable au e-G8 organisée par les habituels défenseurs d'un Internet libre et ouvert. Le lendemain , soit le deuxième et dernier jour du e-G8, une contre-conférence de la «société civile» était improvisée dans la salle de presse. Jeff Jarvis y était présent, aux côtés de Jérémie Zimmermann (porte-parole de La Quadrature du Net), Jean-François Julliard (directeur de Reporter Sans Frontières), Yochai Benkler (co-directeur du Berkman Center for the Internet), Susan P. Crawford (une ancienne membre de l'ICANN) et Lawrence Lessig (le fondateur des Creative Commons, professeur à l'Université de droit de Harvard). Nous en avions proposé un résumé ; l'intervention est visible en intégralité (à 3 minutes près !) grâce à une vidéo d' Owni , principalement en anglais :

On peut au passage conseiller de jeter un œil au diaporama -- visuellement plutôt ringard mais brillamment argumenté -- proposé par Lawrence Lessig au e-G8 avant cette conférence improvisée. Au niveau des désaveux publics de cette manifestation, on peut signaler la réaction de l'April , association qui promeut l'usage de logiciels libres, qui remarque que «sur la question des brevets logiciels, la plénière de clôture a été l'occasion pour Microsoft et Google de s'opposer à ce que leur élimination soit inscrite dans les conclusions du e-G8» .

Hier, Nicolas Sarkozy s'est exprimé depuis le G8 de Deauville, récidivant dans le genre équilibriste (sympathiser avec les professionnels du Net tout en souhaitant voir renforcé son contrôle). Il a ainsi déclaré que «chaque année, il y aura le e-G8, les états généraux d'Internet et qu'il y aura cette rencontre entre les chefs d'Etat et de gouvernement du G8 et ceux d'Internet» . Bon à savoir, ça, l'existence de «chefs d'Internet» . Et de résumer ces rencontres ainsi : «les acteurs d'Internet sont parfaitement conscients qu'ils ont des impératifs et des devoirs vis-à-vis de la sécurité, vis-à-vis de la propriété intellectuelle et même vis-à-vis de la fiscalité numérique. Leurs préoccupations étant qu'aucune règle ne puisse venir brider l'innovation et que si règles il y a, elles doivent être compatibles avec le développement de l'innovation : la liberté et l'ouverture d'Internet» . Pour concilier les deux, il a évoqué la possibilité d'un effort commun de ces fameux caïd de la Toile entraînant la création d' «un socle de ce que pourraient être des règles minimum sur un certain nombre de sujets» . Sans surprise, cette stratégie s'oppose totalement aux méthodes et opinions exprimées dans la conférence de presse de la société civile postée plus tôt.

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