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Libération

Se faire plaisir… avec applications

par Marie Lechner
publié le 14 février 2011 à 15h32

Pour la Saint-Valentin, faites vibrer votre moitié en lui offrant Body Heat , une application iPhone censée faire grimper la température corporelle. Connecté à un «masseur personnel» (euphémisme pour vibromasseur, un mot sans doute banni du prude AppleStore), Body Heat , interdit aux moins de 17 ans, propose de piloter l'engin du bout des doigts, en effleurant sensuellement l'écran tactile du smartphone : de haut en bas, pour vibrer plus vite, de gauche à droite pour vibrer plus fort.

Si l’on y met deux doigts, on peut créer des motifs vibratoires plus sophistiqués et sauvegarder ceux qui auront le plus d’effets, de la subtile chatouille «Deep and steady» (profond et constant) à l’effrénée cavalcade («Galloping horses»). Une infinie variation des plaisirs, sur mesure, loin du binaire on-off.

Body Heat a été conçu par une femme, Heather Kelley, artiste numérique, féministe et conceptrice de jeux expérimentaux (dont le fameux Lapis , jeu pour DS visant à aider les femmes à parfaire leur technique masturbatoire pour parvenir à l'orgasme, via la stimulation d'un mignon petit lapin). La créatrice a séduit la marque de sextoys OhMiBod, spécialisé dans les dildos musicaux, godemichets connectés aux lecteurs MP3 permettant de vibrer en rythme sur vos tubes préférés, disponibles également en version club (un petit tampon embarqué qui réagit au son ambiant, dans les concerts et boîtes de nuit). Si l'application iPhone est bon marché, les petits joujoux à brancher dessus vous coûteront de 50 dollars à trois fois plus pour la version sans fil.

Heureusement, de généreux hackeurs ont pris les choses en main. Parmi eux, Kyle Machulis, alias qDot, ingénieur en robotique, expert en sextoys et plus généralement en «teledildonics», comprendre en sexe contrôlé à distance, est militant du plaisir pour tous. Partisan de l'open source, il recense et décortique toutes les technologies à vocation érotique sur son blog Slashdong . De la Kinect de Microsoft qui permet de palper des seins virtuels d'un avatar, au Mojowijo qui transforme la wiimote de Nintendo en stimulateur à distance, en passant par le tee-shirt qui vibre à l'envoi d'un SMS ou le canapé frémissant en fonction de l'activité d'un compte Twitter. Soit du gadget mais aussi des projets de recherche en réalité augmenté comme iFeel_IM, un harnais capable de reproduire des étreintes via Internet. Machulis organise régulièrement des ateliers «Do It Yourself» pour apprendre à hacker des produits de l'industrie du sexe, ou à fabriquer ses propres joujoux customisés. Du matériel informatique bon marché et open source (Arduino), quelques rudiments d'électronique et de programmation, et un peu d'imagination suffisent.

«Le but c'est que les individus développent leurs sex-toys en fonction de leurs propres besoins et qu'ils explorent de nouvelles sensations» , dit l'auteur qui estime que les jouets adultes du futur intégreront davantage les données biométriques (pulsation cardiaque, pression, température…). Heather Kelley et Kyle Machulis sont tous deux des habitués d' Arse Elektronika , conférence annuelle organisée par le collectif viennois Monochrom, qui fait le point sur le futur de nos ébats technologisés et autres fucking machines , explorant l'impact du sexe sur l'innovation technologique. Lors de la dernière édition en octobre à San Francisco, ils avaient organisé le Six Feet Under Club , invitant un couple volontaire à s'enfermer dans la promiscuité d'un cercueil pour donner libre cours à leur libido, retransmis sur grand écran, via l'œil indiscret d'une caméra de surveillance. L'appel à contribution pour la prochaine édition vient d'être lancé. Le thème «Screw the System» (baise le système), abordera les questions du sexe, de la technologie et de la lutte des classes.

Paru dans Libération du 12/02/2011

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