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«Si vous n’avez rien à vous reprocher, il ne vous arrivera rien de néfaste»

Jean-René Craypion, consultant spécialiste du web 2.0., s'est attiré les railleries de la blogosphère par ses positions peu communes. Il s'en explique.
par Alexandre Hervaud
publié le 1er avril 2009 à 15h13
(mis à jour le 1er avril 2009 à 16h01)

Consultant Web 2.0 pour la société Praxis DaD (Développement Action Doubs), Jean-René Craypion tranche radicalement, sur le fond comme sur la forme, avec la plupart de ses confrères. Peu adepte du parisianisme et encore moins de la langue de bois, ce spécialiste qui publie régulièrement son billet d'humeur sur le site du blogueur Henry Michel et des vidéos tutoriel s'est confié à Ecrans, à l'heure où les débats sur Hadopi font rage à l'Assemblée Nationale. Vie privée, facture numérique et web communautaire sont également des thèmes chers à ce professionnel souvent brocardé par ses pairs.

En 1985, vous écriviez "Un minitel dans chaque voiture en 2005″ (1). Cette prédiction un peu aventureuse, beaucoup de vos détracteurs l'exhument pour vous décrédibiliser...

C’est une attitude très franco-française de dénigrer aujourd’hui ce qui  hier faisait notre gloire. Je n’ai pas honte du tout de cet ouvrage et reste très attaché au Minitel.

Je signale qu'historiquement, ce sont les lobbys des grands fournisseurs d'accès américains qui ont contribué à étouffer le minitel. Si on l'avait laissé vivre sa vie, ce serait aujourd'hui une machine bien plus perfectionnée que le PC . Je me surprends encore à avoir besoin du minitel pour des tâches simples qui n'existent toujours pas sur Internet, comme l'annuaire par exemple. De plus, certains services étaient plus pratique sur Minitel. A titre d'exemple, il nous fallait 20 minutes à l'époque pour réserver un billet de train sur minitel. Aujourd'hui, avec voyages-sncf.com , ce temps est quasiment doublé.

Vous avez déclaré récemment avoir été déçu par la nomination de Nathalie Kosciusko-Morizet au Secrétariat  en charge de l'Economie Numérique. Vous auriez préféré Frédéric Lefèvre à sa place, pourquoi ?

J’apprécie sa gestion de bon père de famille et son discours novateur. Pédophilie, terrorisme, viols virtuels (Second Life) sont monnaie courante sur Internet. Nos enfants sont exposés, il est vraiment plus qu’urgent de fermer les vannes, de retrouver un réseau contrôlé. Pas plus tard qu’il y a un mois j’ai retrouvé sur l’ordinateur de mon fils, qui a 15 ans, des photos érotiques de femmes. Alors qu’il ne se sert de son poste internet que pour ses exposés. Des hackers avaient tout simplement pénétré notre réseau pendant que nous dormions.

Vous soutenez Hadopi, pour autant vous vous êtes prononcés contre le téléchargement illégal...ou légal. Vous pouvez nous éclaircir sur cette position peu orthodoxe ?

Le téléchargement « légal », c’est un argument de pirate. Il n’y a pas de téléchargement « légal » ou « illégal », il y a le téléchargement tout court, qui est une pratique nocive pour les artistes, et dangereuse pour l’utilisateur.

Pour qu’il y ait vraiment un téléchargement « légal » un jour, il faudrait rendre les fichiers payants en ligne, par exemple, ce qui est loin d’être le cas aujourd’hui. Je suis également contre l’écoute en « screening » [sic], qui dépense énormément de bande passante et pourrait causer à terme de gigantesques embouteillages à l’échelle du réseau français. Je ne veux pas employer un discours trop technique, mais ce risque existe.

Il y a deux ans, vous ne connaissiez pas Internet... Est-ce bon signe pour les victimes de la fracture numérique ?

Même si j’avais déjà quelques facilités avec la technologie, je suis l’exemple vivant que le monde du Web 2.0 est adaptable pour tout type de profil, et tout type de génération.

La société pour laquelle je travaille œuvre à évangéliser le Doubs avec les techniques du Web 2.0 – nous proposons un vrai outil anti-crise qui ouvre vers le monde entier. Lorsqu'une laiterie investit auprès de nous une formation Twitter à 2500€, c'est une somme conséquente pour elle, mais c'est un marché infini qui s'ouvre à elle : le monde entier.

En tant qu'utilisateur du réseau social Facebook , craignez vous des atteintes à la vie privée ?

Il est sûr - un excellent reportage sur France 2 l'a illustré récemment - que de multiples atteintes à la vie privée sont possibles lorsque vous vous connectez sur des réseaux comme Facebook ou copains d'avant. Mais je serai plutôt de nature rassurante sur ce phénomène - les données privées ne sont pas utilisées à des fins détournées - je veux dire par là que si vous n'avez rien à vous reprocher, il ne vous arrivera rien de néfaste.

En général les personnes qui sont les premières à hurler au crime quand on parle de vie privée, sont celles qui ne veulent pas certaines choses de leur intimité révélée. Pour ma part je me veux rassurant, cela n'a pas changé ma pratique quotidienne, car je n'ai rien à cacher.

Vous étiez récemment au Salon de l’Internet , qui vous a beaucoup plu… Vous seriez partant pour organiser un grand rendez-vous 2.0, comme Loïc Lemeur tente de le faire chaque année ?

Je  ne connais pas cette personne mais il serait opportun que 2009 puisse être l’occasion de voir un vrai salon dédié au Web 2.0, avec des intervenants du monde entier, des buffets, et des postes connectés à Twitter, ou Facebook. Je suis en pourparler avec des partenaires locaux pour faire de la Franche-Comté la Silicone Valley française et lancer le premier vrai grand salon de l’internet. Le tout retransmis sur Second Life, avec des bureaux volants.

(1) Un minitel dans chaque voiture en 2005 , 198 pages, Editions Régionales de la Chouette, 120 F (18€).

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