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Portrait

Sokal, de la BD à la 3D

Le dessinateur, fasciné par l'informatique, s'est naturellement tourné vers les univers virtuels, jusqu'à être considéré aujourd'hui comme le seul «auteur» de jeux vidéo français. Il publie «paradise»: un album, mais aussi un jeu pour PC.
par Erwan Cario
publié le 10 juin 2006 à 21h45

Quand on lui demande aujourd'hui de donner une définition de son métier, Benoît Sokal dit simplement : «Je suis un raconteur d'histoires en images.» La phrase est un peu cliché, mais évoque finalement avec justesse la carrière de celui qui est encore considéré comme le seul «auteur» du jeu vidéo français. Il faut dire que Benoît Sokal, 52 ans, s'est d'abord fait une place au soleil avec une oeuvre littéraire abondante. Dès 1978, à peine sorti de l'institut Saint-Luc de Bruxelles, avec à la clé la publication de la série BD le Neuvième Rêve, expérience collective en compagnie d'anciens élèves, le jeune artiste participe à l'aventure (A suivre) de Casterman. Il connaît alors son premier grand succès éditorial avec son antihéros Canardo. Son passage à la 3D, il le doit à une curiosité insatiable pour la micro-informatique. Il est l'un des premiers dessinateurs à utiliser l'ordinateur pour colorier ses dessins. A la fin des années 90, Sokal décide de franchir le pas et crée son premier jeu vidéo, l'Amerzone, une coproduction Casterman et Microïds d'après une aventure de Canardo. Graphisme somptueux, déambulations majestueuses des personnages, le titre tranche dans la production habituelle du jeu vidéo. Il récidive en 2002 avec une aventure originale, Syberia, qui sera désignée comme le meilleur jeu d'aventure de l'année aux Etats-Unis.

En mai, Sokal a publié Paradise, un titre unique pour un album de BD et un jeu issus d'un seul et même univers. L'artiste n'est jamais allé en Afrique, Paradise s'y déroule pourtant. Mais cette Afrique-là est un territoire fantasmé. «C'est un paysage qui m'a longtemps fait rêver et j'y suis allé par procuration. Le côté "Congo belge" et l'aspect déliquescent de l'Afrique actuelle m'ont permis de mettre en place une histoire plus sombre que mes précédentes productions.» Et la possibilité de donner à ses décors imaginaires une authenticité spatiale grâce à la 3D ne cesse de le fasciner. «On peut recréer avec une extrême vraisemblance des choses qui n'existent pas. L'image de synthèse apporte la justification de tout ce qu'on fait. Vous pouvez, en tant que joueur, marcher dans les rues de mon village, visiter mon harem, vous promener dans ma forêt.»

Désormais, les projets de Sokal tournent beaucoup autour du jeu mais pas seulement. Il a, pour l'instant, renoncé à son idée, jugée invendable par ses partenaires, d'un simulateur d'oiseau, mais pense à un polar qu'il pourrait mettre en oeuvre avec la complicité d'auteurs réputés. Il se tourne également vers le cinéma. C'est d'ailleurs une des raisons qui l'ont poussé à fonder son propre studio, White Birds, en 2003. Un film d'animation avec François Schuiten, un autre grand de la BD, est en préparation. Sokal aimerait aussi mettre en film une de ses histoires : «Avec la bande dessinée et le jeu vidéo, j'ai toujours eu l'impression d'être le cancre, le vilain petit canard. Monter un jour les marches du Festival de Cannes avec ma femme pour un film que j'aurais réalisé, la classe !» Mais il tempère ses ardeurs : «Aujourd'hui, on ne peut pas se permettre de faire moins bien que King Kong, et ce genre de budget est encore inaccessible.»

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