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Libération

Sony : la Vita vitale

par Olivier Seguret
publié le 22 février 2012 à 11h38
(mis à jour le 22 février 2012 à 11h42)

Deux mois après son lancement japonais, Sony met en vente aujourd'hui, en Europe et sur le reste du globe, sa nouvelle console de jeux portable, la PS Vita. Quelles que soient les séduisantes fonctionnalités de la machine et quelles que soient les délicates caractéristiques du marché sur lequel elle débarque, il n’y a qu’une seule question qui vaille à son propos, et elle se pose dans les mêmes termes pour la multinationale de l’électronique que pour l’amateur de jeux vidéo lambda : la PS Vita sera-t-elle une affaire rentable ?

Pour Sony, c’est une question avec beaucoup de zéros. La compagnie traverse une période difficile. Après s’être fait déposséder du marché de la musique mobile par Apple, après s’être fait dépouiller de celui des téléviseurs par Samsung et après s’être fait sévèrement bousculer sur le front des consoles de salon par Microsoft, le géant nippon, qui n’a cessé de voir ses profits diminuer et sa valorisation boursière décroître, commence à mettre en place une nouvelle stratégie globale pour enrayer cette chute. La plus spectaculaire illustration de cette prise de conscience a été la récente nomination à la tête du groupe de Kaz Hiraï, qui en dirigea longtemps la division PlayStation. C’est la première fois qu’un éminent responsable de l’industrie du jeu vidéo arrive à un tel poste et c’est sans doute mieux qu’un symbole : un signe.

La PS Vita remplacera à terme la gamme PSP, lancée en 2004, qui s’est écoulée à environ 70 millions d’exemplaires, ce qui est un très honorable succès, mais n’a pas permis d’en faire un phénomène de masse, à l’instar de la DS de Nintendo, sa seule concurrente frontale.

La nouvelle venue est beaucoup plus performante que l’ancienne en termes de puissance comme d’éclectisme, de confort ergonomique comme de qualité d’image. Elle fait tourner des jeux aussi bien physiques (sur des cartes au format exclusif) qu’immatériels (par téléchargement, via PS3 ou PC) et fait également la part belle à toutes les nouvelles pratiques colportées par les smartphones : écran tactile, système de menus sous applications, wi-fi et réseaux sociaux de tous ordres auxquels se connecter. S’y ajoutent quelques spécialités maison : une coque arrière tactile, elle aussi, le système Sixaxis (gyroscope et accéléromètre), une interface nouvelle (le Live Arena) et une compatibilité multi-usage avec la PS3, dont les possesseurs forment au fond la cible prioritaire de cette Vita.

À l’usage, cette console s’avère être une très agréable machine à jouer, dont les capacités sont spectaculaires si on les compare à n’importe quel concurrent. La fluidité des chargements et sa vélocité, même en plein régime multitâche, frappe particulièrement. Le design, enfin, reste une chose sérieuse chez Sony : la bestiole n’est pas extravagante mais d’un goût sûr, en émane un sentiment de compacité et de solide facture.

Un boulet leste néanmoins la PS Vita : le système de cartes mémoire pratiquement obligatoires et de format propriétaire. Leur coût s’ajoute à celui du jeu et il n’est pas possible de lancer certains titres qui l’exigent si l’on n’en dispose pas. Le prix de la console elle-même, (250 ou 300 euros selon les modèles) peut sembler élevé, mais tous les analystes estiment qu’il a été étudié au plus juste, si l’on tient compte de ce que la Vita a dans le ventre. Afin d’assurer à sa nouvelle gagneuse le maximum de sex-appeal dès sa sortie, Sony aligne en simultané un line-up de titres conséquent, qu’ils proviennent de ses propres studios de développement ou soient fournis par des éditeurs tiers. Comme il est normal dans cette industrie, ce sont ces jeux, par leur qualité et par leur succès, qui décideront en dernier ressort du destin de la PS Vita.

Uncharted Golden Abyss , démonstration de force

La licence Uncharted est devenue l'étendard de la sphère PlayStation et la plus grande fierté de l'éditeur Sony. Après un triptyque pour PS3 développé par le studio star Naughty Dog, voici la première itération des aventures de Nathan Drake sur console portable. Le développement de ce Golden Abyss a été confié aux bons soins des designers américains de Bend Studio, également propriété de Sony, qui se sont livrés à une véritable démonstration de force des capacités de la machine, dont ce jeu est l'incontestable titre-vitrine. La souplesse féline du moteur de jeu donne à l'expérience une consistance inédite sur portable. L'éclat des lumières et des couleurs, le classicisme des musiques et un gameplay presque intact par rapport aux versions antérieures parviennent sans mal à faire pardonner un scénario moins raffiné que dans les précédents volets.

Touch My Katamari , drogue dure

Dans toute l'histoire du jeu vidéo, on pourrait compter sur les doigts de la main les concepts aussi puissants, aussi ludiques, aussi purs et accrocheurs que celui de Katamari , inventé par Keita Takahashi. Rappelons-en la substance… Le joueur, placé dans la situation d'une sorte de scarabée bousier, commence par rouler devant lui une petite boule collante, et voyage dans le décor qui l'entoure. Bientôt, la boule est énorme et amalgame à sa pâte adhésive les moindres éléments de l'environnement, du dé à coudre au bungalow, du carré de sucre au gratte-ciel, de l'infiniment petit au cosmiquement grand.

Drogue dure et drôle, frénétique et absurde, ce principe compulsif et poétique trouve dans Touch My Katamari une forme tactile très bien adaptée à la Vita. Le «roi du cosmos» hippie, efféminé et sous acide, qui est l'âme cachée du jeu, atteint ici des sommets dans le camp distancié.

Rayman Origins , fraîcheur haute def

Deux bonnes nouvelles pour les amateurs de Rayman Origins , le joyau de pure plateforme en 2D que Michel Ancel et sa bande d'Ubisoft Montpellier ont eu la bonté de glisser sous nos sapins juste avant Noël. Primo, selon les derniers bilans que vient de fournir Ubi Paris et malgré un risque stratégique important, le titre a été profitable. Secundo, la translation d' Origins sur Vita est une superbe réussite, même si une adéquation préalable et presque naturelle existait déjà entre ce jeu, qui rend hommage, avec fraîcheur et en haute définition, à la culture 16bits, et la rutilante bécane portable de Sony.

Si, au passage, la version perd inévitablement ses vertus de party game en coop, elle y gagne un mode «Fantôme» permettant de défier d'autres joueurs. Pour le reste, la souplesse presque casual du jeu se prête idéalement à cette adaptation nomade. Le plaisir en 60 niveaux.

Paru dans Libération du 21 février 2012

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