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Libération

Souriez, les internautes vous observent

par Mael Inizan
publié le 8 octobre 2009 à 13h41

«Gagnez de l'argent. Participez à la réduction du nombre de crimes. Devenez peut-être un héros et sauvez des vies» , promet Internet Eyes, littéralement les Yeux d'Internet. La jeune entreprise britannique invite les internautes à former la plus grande entreprise de vidéosurveillance du monde. Une paire d'yeux derrière chaque caméra, ou presque.

Dès novembre, lorsque le service sera lancé, chaque membre inscrit se verra confier la charge de quatre caméras. Proclamé «viewer», ou veilleur, il aura accès aux images de surveillance en temps réel depuis son propre ordinateur. La délation devient un jeu. Tentative de vol, vandalisme ou simple comportement antisocial : chaque agissement suspect signalé par SMS permet de marquer des points. Tous les mois, l'internaute qui a le meilleur score remportera la jolie somme de 1000£.

Avec 4,2 millions de caméras sur son territoire, la Grande-Bretagne compte l'un des maillages de vidéo-surveillance les plus serré au monde. Pourtant, «la criminalité est en hausse et les taux de condamnations sont en baisse» , déplore Internet Eyes sur son site. L'entreprise explique ces mauvaises statistiques par le simple fait que pour 90% des caméras, personne n'est devant l'écran au moment où l'infraction est commise.

Avec Internet Eyes, «votre système de surveillance est monitoré en temps réel, avant qu'il ne soit trop tard» . Pour 20£ par mois et par caméra, les images de surveillance des commerces et entreprise, ou pourquoi pas de la police elle-même, seront confiées aux «viewers» de la «communauté». Car, si Internet Eyes s'en remet à la participation des internautes, le service vise surtout les entreprises. «Réduisez les vols à l'étalage et économisez de l'argent» , fait miroiter le site, en proposant des alertes instantanées par SMS, MMS ou mail accompagnées d'une capture d'écran vidéo. Le comportement délictueux est repéré par les internautes et le responsable de l'entreprise en question n'a plus qu'à intervenir auprès de la personne identifiée.

Alors même que ce programme de «vidéo-surveillance communautaire», n'entrera qu'en phase d'expérimentation le mois prochain, Internet Eyes suscite déjà la polémique en Grande-Bretagne. Directeur de No-CCTV, une association engagée contre la prolifération des caméras de surveillance, Frarrier Harles imagine déjà les dérives d'un tel système. «Que faire si un groupe de racistes, décide d'envoyer des alertes à chaque fois qu'une personne noire est visible sur l'écran et comment empêcher les criminels d'utiliser les caméras pour repérer où commettre leurs attaques» , s'inquiète-t-il dans le Dailymail.

Des critiques balayées d'un revers de main par James Woodward, responsable de l'équipe technique d'Internet Eyes. Pour lui le blocage des profils des Internautes responsables d'abus permettra de limiter les dérives. Il ne croit pas non plus au risque d'utilisation du système à des fins criminelles : «dans un soucis de protection de la vie privé des utilisateurs, ils (les internautes) ne connaitront pas la localisation des caméras et il leur sera très difficile d'en déterminer la position » .

Pour les supporters du projet, le «jeu» est déjà lancé. Les 10 000 premiers inscrits recevront un point bonus dès leur arrivée. Un évènement Facebook a même été crée pour le lancement du système, le 2 novembre prochain. Le site promet déjà une «galerie des voyous», avec la liste de leurs infractions présumées et le pamarès des internautes qui les ont arrêté. Une dérive de la société de surveillance qu'il faut «étouffer dans l'œuf immédiatement» , proteste Frarrier Harles : «On ne va pas seulement encourager une dangereuse mentalité d'espion. Jouer avec le crime, pourrait conduire à de dangereuses violations des droits civiques» .

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