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Spam : la justice decidée a vider la corbeille

La lourde condamnation, aux Etats-Unis, d'un escroc qui inondait les boîtes mails de courriers indésirables, dénote la volonté générale d'en finir avec ce phénomène.
par Bruno Icher, Sébastien Delahaye et Astrid GIRARDEAU
publié le 10 août 2007 à 9h08

A une époque, c'était juste agaçant. Ces messages mal écrits aux couleurs gueulardes qui encombraient nos boîtes mails, vantant les mérites de pilules aphrodisiaques, de médicaments coupe-faim, de jeux de casino en ligne ou promettant une forte récompense pour venir en aide à une riche orpheline africaine. Sans oublier le grand classique qui garantit l'augmentation significative de la taille du pénis. Le spam est devenu l'un des fléaux du Net. Ces intrusions massives dans le courrier Internet - mais aussi, et de plus en plus, dans les forums de discussion et, depuis peu, dans les blogs -, ont conduit la plupart des pays occidentaux à légiférer pour encadrer ces pratiques confinant au harcèlement. C'est qu'il ne s'agit pas uniquement de méthodes publicitaires agressives. L'immense majorité de ces messages se conjugue souvent avec une activité frauduleuse, quand il ne s'agit pas carrément d'une escroquerie. Usurpations de noms de domaines, fraudes informatiques, contrefaçons, fabrication et distribution de produits sans autorisation, la liste est longue.

Sévérité. Pour lutter contre cet invasion, les Etats-Unis ont adopté en décembre 2003 le Can-Spam Act, une loi fédérale qui contraint l'expéditeur de messages publicitaires à tenir compte du refus du destinataire s'il en fait la demande. En France, la loi est plus restrictive encore (lire page 3). Une sévérité qui s'explique en partie par une augmentation régulière des volumes de spams envoyés et l'apparition de nouvelles formes d'escroqueries. Ainsi, depuis mardi , la Bourse s'affole à cause d'une campagne de spams qui vise à gonfler artificiellement le cours des actions d'une société américaine de commerce de détail, la Prime Time Inc. Le mécanisme, intitulé «pump and dump» («gonfler puis vendre»), est simple. Il s'agit d'acheter des actions d'une société puis d'envoyer des masses de mails incitant les internautes à acheter des titres de cette société. Dans ce cas de figure, plus de 500 millions de mails ont été expédiés, selon la firme de sécurité informatique britannique Sophos, qui souligne qu'il s'agit là de la plus importante campagne de ce genre jamais vue, représentant quelque 30 % du volume des spams dans le monde.

Activités lucratives. La multiplication de ces pratiques incite donc les autorités à faire des spammeurs qui tombent dans les filets de la justice des exemples spectaculaires. Un message de fermeté a été clairement envoyé, la semaine dernière, avec la très lourde condamnation de Christopher Smith, alias Rizler, l'un des rois du spam, à trente ans de prison par la cour fédérale américaine. En 2005, ce jeune Américain originaire du Minnesota avait été arrêté par le FBI pour avoir envoyé au moins un milliard de spams à des abonnés d'Aol. Le fournisseur d'accès avait déposé plainte pour violation de la loi Can-Spam et Smith avait été condamné à une amende de 5,3 millions de dollars (3,6 millions d'euros). Plus ennuyeux, la justice l'accusait, de vente illégale de médicaments. La plupart de ses messages de pub faisaient la promotion de produits (Viagra, Cialis, etc.) fabriqués dans sa propre entreprise, la Xpress Pharmacy, qui n'avait aucune autorisation. Ce qui n'a pas empêché le «cyber dealer», pour reprendre les termes de la procureure Nicole Engisch, d'engranger quelque 24 millions de dollars. Avant d'organiser sa fuite en République dominicaine pour y poursuivre ses lucratives activités, Smith, qui décidément ne fait pas les choses à moitié, avait aussi menacé de mort les enfants de Bernadette Hollis, son ancienne associée, qui avait décidé de collaborer avec la justice. Il n'a pas eu le temps de mettre son plan à exécution.

Blanchiment. Depuis mai, un autre roi du spam, Robert Soloway, 27 ans, connaît lui aussi des démêlés avec la justice américaine. Il est sous le coup de 35 chefs d'accusation, dont fraude informatique, vol d'identité et blanchiment d'argent. Il proposait à ses clients la possibilité d'expédier quelque 100 millions de mails d'un coup, sans préciser qu'il utilisait pour cela de fausses adresses. Plusieurs fois inquiété, il s'en était sorti jusqu'à présent en prétendant que ses messages étaient destinés à promouvoir des actions humanitaires. Risquant la bagatelle de soixante-cinq ans de prison, il vient de quitter le club très fermé des dix spammeurs les plus actifs du monde désignés par Microsoft. Selon Spamhaus, groupe anti-spam international, à peine 200 spammeurs seraient responsables de 80 % du trafic mondial.

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