Spotify aïe aïe

par Camille Gévaudan
publié le 14 avril 2011 à 17h49

Spotify abandonne la musique gratuite et illimitée : en voilà une annonce qui va plaire à Pascal Nègre ! Le PDG d'Universal disait en janvier ne pas croire au modèle du streaming, qui entretient «l'illusion» que la musique peut être gratuite. Selon lui, les offres comme Deezer ou Spotify ne devraient représenter qu'un faire-valoir, une sorte d'échantillon gratuit pour inciter les internautes à se tourner vers le bon vieux téléchargement payant : «Quand on voit des gens qui écoutent 35 fois la même chanson, vous vous dites qu'au bout d'un moment, le gars, il faut qu'il aille acheter le titre !» Ou payer son abonnement. C'est désormais comme ça que fonctionnera Spotify, qui opère un changement de cap radical.

Pascal Nègre imaginait donc une barrière -- un paywall , comme on dit en anglais --, au bout de quatre écoutes d'une même chanson : «c'est suffisant pour savoir si on veut acheter un titre.» Du côté de Spotify , «voici comment cela va se passer» à partir du 1e mai :

- On pourra profiter du streaming gratuit et illimité, tel qu'il est aujourd'hui, pendant les 6 premiers mois suivant son inscription à Spotify Free (sur invitation) ou Open (sans invitation) ;

- Au-delà des 6 mois, on ne pourra jouer chaque morceau que 5 fois en tout et pour tout. On sera également limité à un total de 10 heures d'écoute mensuelle, «soit environ 200 morceaux ou 20 albums» ;

- Les deux abonnements payants, Unlimited et Premium, ne changeront pas.

L'équipe de Spotify estime que ces nouvelles formules ne changeront pas grand chose pour la majorité des internautes : «notre utilisateur moyen reste en deçà de la limite d'écoutes pour 70% des chansons qu'il joue, en l'espace d'un an. Les changements affecteront principalement les plus gros utilisateurs des versions gratuites de Spotify.» Ce sont ces super-consommateurs de musique que Spotify veut pousser à sortir la carte bleue : «si vous pensez que vous risquez d'atteindre les limites, nous espérons que vous considérerez la possibilité de vous abonner aux services Unlimited ou Premium.» Et pour donner un coup de pouce à la migration du gratuit vers le payant, une période d'essai de 30 jours devrait être offerte au mois de mai.

De nombreux utilisateurs saluent une initiative «courageuse» et se disent prêts à payer pour un service «excellent» , voire meilleur que l'ensemble de ses concurrents. Chez d'autres, la première réaction est radicale : «Bye bye Spotify !» ou «Bon, je pense que je vais recommencer à pirater ma musique...» Jonathan Forster, directeur général de l'entreprise, se vantait récemment que «l'internaute qui utilise gratuitement Spotify s'éloigne du piratage» et que grâce à son service, à terme, «le piratage de la musique n'aura tout simplement plus lieu d'être.» Sans croire à un retournement de veste généralisé chez ceux qui avaient freiné le peer-to-peer, il a fort à parier qu'une (large) partie d'internautes ne renonceront pas si facilement à une gratuité à laquelle ils sont habitués, même en échange d'un grand confort d'utilisation. Le succès de l'opération se jouera dans le juste équilibre entre le nombre de mélomanes qui franchiront le pas et ceux qui, immanquablement, abandonneront Spotify pour aller voir ailleurs.

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