Spotify, la planète des apps

par Sophian Fanen
publié le 8 décembre 2011 à 9h47
(mis à jour le 8 décembre 2011 à 14h47)

Cela fait maintenant une semaine qu'on s'amuse avec les applications lancées par Spotify, dévoilées le 30 novembre en plus d'un lifting de son logiciel qui achève de mettre à terre, côté souplesse d'utilisation, l'iTunes vieillissant d'Apple. Il est donc temps de faire un premier bilan des nouveaux usages créés ou entrevus par cette couche interconnectée supplémentaire.

Pour en profiter, il faut tout d'abord passer à la version bêta du logiciel, qui s'attrape et s'installe avec quelques bugs sur Mac, où il faut parfois désinstaller la version précédente pour laisser place à la nouvelle – qui refuse de s'installer par-dessus. On peut aussi être patient quelque jours encore, puisque Spotify France affirme que cette version bêta sera «progressivement déployée pour tous les utilisateurs à partir de la fin de la semaine» , et donc rendue disponible par une classique mise à jour du logiciel.

On trouve ensuite dans la fenêtre une nouvelle section «Applis», qui en contient pour le moment seulement onze. Une bonne occasion de toutes les tester. On trouve tout d'abord trois médias (le Guardian britannique, le magazine américain Rolling Stone et Pitchfork, premier site d'information sur le vaste monde des musiques indépendantes), qui proposent peu ou prou la même chose: une sélection de chroniques de disques reprises de leur site ou des playlists, avec à chaque fois le lien qui va bien pour écouter ça dans Spotify. On peut donc désormais suivre l'actualité (de façon un peu parcellaire tout de même, puisque limitée aux albums mis en avant) sans quitter le portail. On regrettera par contre que cette interconnexion entre Spotify et des fournisseurs de contenu éditorial ne soit pas plus poussée. Pas possible, notamment, de basculer sur une chronique du Guardian en partant de l'écoute d'un disque: seul l'inverse est pour l'instant possible. Le site français Deezer, concurrent direct du Suédois Spotify, a sur ce créneau-là un coup d'avance avec son intégration (très imparfaite mais mieux pensée) des textes fournis par les Inrockuptibles, Magic ou Mondomix .

Viennent ensuite des applications pratiques, avec Songkick au sommet pour les gros consommateurs de musique IRL. L'appli va en effet scanner vos habitudes d'écoute et vos listes pour regrouper les concerts qui sont susceptibles de vous intéresser près de chez vous (ou dans une autre ville si vous le spécifiez). Songkick proposait déjà un plug-in pour iTunes capable de scanner une librairie pour alimenter le compte -- en ligne -- d'un inscrit. L'entreprise londonienne va donc ici un peu plus loin dans l'intégration de sa souvent bluffante base de données. Dommage que Songkick se contente de relayer les dates d'artistes que l'on écoute déjà plutôt que de proposer d'en découvrir d'autres en croisant les goûts de ses utilisateurs inscrits.

Les autres applications semblent moins essentielles après quelques jours d'utilisation. Fuse construit des playlists thématisées selon l'actu, qui malheureusement sont souvent moins bonnes que celles qu'on peut bricoler soi-même en trois clics, à l'image de cette compile de titres sur la bière censée honorer le lancement de la marque MMMHop des frères Hanson (rappelez vous, les gamins qui chantaient MMMBop en 1997. ILS SONT REVENUS).

L'appli du Bilboard, la Mecque des classements des ventes outre-Atlantique, sera elle bien pratique pour s'assurer que Lady Antebellum est toujours en tête du classement country, quand Moodagent propose de créer des playlists selon votre état d'esprit, à partir du néant ou depuis un premier titre que vous avez choisi. On a déjà beaucoup vu ce genre d'application, notamment sur iPhone et iPad. On peut passer vite également sur les salons d'écoute virtuels proposés par Soundrop, qui diffusent des playlists crispantes d'inintérêt. Par contre, l'appli permet enfin de créer son propre salon d'écoute à partager avec ses amis (via Facebook exclusivement, carton rouge donc). C'est ce que les internautes américains peuvent faire sur le site http://turntable.fm/ depuis un an, et il s'agit donc là d'une réelle avancée pour les utilisateurs européens.

Enfin, pour en finir avec les applis déjà disponibles, TuneWiki ambiancera vos soirées karaoké avec ses paroles bancales, truffées de fautes et de lettres manquantes, qui finissent par être plus drôles que tata Annick qui chante Sur la route de Memphis avec un verre de rouge à la main. La version online du site n'est ni honnête avec les ayants droit ni solide dans les informations qu'elle propose, on s'étonne donc que Spotify l'ait choisi pour le lancement de ses applications.

Ce tour du propriétaire est pour le moment assez vite fait, mais ces applications ouvrent bel et bien un nouveau monde d'usages et d'interconnexions dans le paysage de la musique en ligne. Fidèle à ses habitudes taiseuses, Spotify ne souhaite pas annoncer l'arrivée de nouvelles applications dans les jours ou semaines à venir, mais les médias et les développeurs liés au monde de la musique vont probablement se jeter sur cette opportunité de paraître cool tout en ferrant de nouveaux utilisateurs inscrits. Viendra ensuite la question de l'intérêt financier de chacun dans cet écosystème en construction... Les applications ne sont pas destinées à devenir payantes selon Spotify France, mais un revirement sur ce sujet est probable à plus ou moins long terme, au profit d'une option freemium à l'image de ce qui se fait désormais couramment sur l'iPhone d'Apple. Pour Spotify, ces applications fournies par des acteurs tiers sont en tout cas un moyen supplémentaire de capter des abonnés (à défaut de calmer la grogne de certaines maisons de disques indépendantes , qui jugent que la rétribution accordée par le site est insuffisante).

Et après? La

qui s'est tenue le week-end dernier à Londres a montré que la porte entrouverte par le nouveau géant suédois excite les

programmateurs

programmeurs: une quinzaine de programmes présentés concernent directement Spotify.

propose ainsi d'ajouter une couche d'effets sonores (delay, filtres, etc.) aux titres joués, laissant imaginer une interopérabilité possible entre Spotify et les principaux logiciels utilisés aujourd'hui par les DJ – Ableton Live, Serato ou Traktor.

relie pour sa part vos écoutes au site de tablatures (au format anglo-saxon)

, afin d'afficher des partitions (souvent officieuses et non licenciées) lorsqu'elles sont disponibles. Une fois que vous saurez jouer tout Simon & Garfunkel à la guitare, vous pourrez ensuite draguer grâce à

, l'appli du

déjà disponible via Facebook et Last.fm, qui croise vos goûts musicaux avec ceux d'autres âmes solitaires qui aiment chantonner

Mrs. Robinson

sous la douche.

Si vous avez une passion psychotique pour les notes attribuées aux disques par des sites comme Drowned in Sound XLR8R ou  Resident Advisor , Hipsterify est pour vous : cette application fusionne les appréciations chiffrées fournies par ces trois sites (et potentiellement par d'autres) pour afficher une unique note. C'est ce que fait déjà le site de référence Anydecentmusic , on prédit donc un avenir radieux à cette idée. Rien par contre pour l'instant du côté de Discogs , la précieuse base de données communautaire qui tend de plus en plus à remplacer les notes de pochettes qui disparaissent avec la dématérialisation de la musique, mais les courageux un rien bidouilleurs peuvent en attendant utiliser ce script . Rien non plus du côté de Ex.fm , le plug-in pour navigateur qui permet de gérer ses écoutes en ligne (playlists, fil d'attente, échanges, etc.), qui pourtant fait un très bon candidat à une intégration à Spotify afin de créer la plateforme connectée la plus flexible possible (imaginez: toute la musique de Spotify plus toute la musique que vous souhaitez écouter sur Bandcamp ou Soundcloud par exemple).

Autant d'opportunités qui ne sont qu'à peine dessinées en cette fin 2011, en plus d'idées folles comme celle de contrôler son lecteur de musique à la voix . Dans le monde de la musique, demain a bel et bien commencé.

Lire les réactions à cet article.

Pour aller plus loin :

Dans la même rubrique

Les plus lus