«Street Ghosts» : les fantômes de Google Street View

par Marie Lechner
publié le 21 septembre 2012 à 17h00
(mis à jour le 21 septembre 2012 à 17h04)

Après avoir volé un million de profils de Facebook republiés sur un site de rencontre, aspiré des livres numériques d'Amazon qu'il a redistribué gratuitement, créé des réseaux de robots pour frauder le service pub de Google et fabriqué des milliers de cartes de crédit contrefaisant l'argent virtuel, l'artiste hacker italien Paolo Cirio rajoute un nouveau forfait à sa liste déjà longue, avec son intervention urbaine Street Ghosts

Dans sa ligne de mire, Google Street View et ses voitures qui quadrillent la Terre, capturant les passants dans ses neuf yeux panoptiques tandis qu'ils errent dans les rues.

Depuis les levées de bouclier en Allemagne et en Suisse, Google prend désormais soin de flouter les visages (et encore pas toujours) mais le reste de leur silhouette, les cheveux et habits sont bien suffisants pour les identifier estime l'artiste, « surtout pour quelqu'un qui serait vraiment intéressé par leur vie privée » .

Paolo Cirio a décidé d'exfiltrer certaines silhouettes choisies au hasard de Google Street View, d'en faire des répliques taille réelle sur des posters qu'il colle ensuite sur les murs, à l'endroit exact où l'objectif de la voiture Google les a saisies. Au 68, Handbury Street à Londres, sur le mur de brique rouge, une jeune femme aux long cheveux sombres traînant sa valise. Au 9 Mariannenstrasse, à Berlin, un homme avec une casquette, un t-shirt blanc portant un sac en platique rouge. Au 80 East Houston Street à New York , un homme revêtu d'un gilet orange, en position assise, a l'air de dessiner...

L'image basse définition et le visage trouble donne à ces passants des allures spectrales. Cioro, en les extrayant du net révèle leur présence latente, telles des apparitions surgies de l'enfer des archives digitales, ombres numériques venues hanter le monde réel.

En « dévirtualisant » ces images, Street Ghost interroge précisément ce contact entre le monde réel d'où proviennent ces images et le monde virtuel, celui des données et du copyright.

« Comme ces images accessibles sont celles d'individus prises sans leur autorisation, je renverse l'acte. J'ai pris les images des individus sans l'autorisation de Google et je les ai posté sur les murs publics. Une manière de recontextualiser non seulement ces données numériques mais aussi de mettre en scène un conflit, celui qui oppose intérêts publics et privés dans la lutte pour le contrôle de notre intimité et de nos habitudes. Ces corps humains fantomatiques sont les victimes de la guerre de l'information dans la ville, un enregistrement éphémères des dommages collatéraux de la bataille entre les multinationales, les gouvernements les civils et les algorithmes » , écrit l'artiste dans son communiqué. « Google n'a pas demandé l'autorisation pour s'approprier les images de toutes les villes et villages du monde, ni n'a rien payé pour le faire. Il vend des publicités à côtés de ces contenus, et revend l'information collectée aux mêmes annonceurs, récoltant des milliards qui ne sont même pas taxés. C'est une sorte d'exploitation par un parasite social géant qui nous revend ce qui a été collectivement créé par l'activité des gens. » On peut peut-être juste s'étonner de l'utilisation de Picasa et de Google Maps pour présenter son intervention en ligne.

Ces silhouettes éphémères, découpés dans du papier très fin,aux contours informes et aux couleurs délavées vont progressivement s'évanouir, pour réapparaître sur d'autres murs... Ces 15 derniers jours, une trentaine de posters ont été collé dans les rues de New York, Berlin et Londres . Mais prévient l'artiste « Gardez vos yeux ouverts. Street Ghosts n'est pas fini et pourrait bien venir hanter venir ville... peut être avec votre propre fantôme» .

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