«Superproducer», la crise du disque en chantant

Web série créée par le crooner pop Gonzales et le réalisateur Jonathan Barré, «Superproducer» verse dans le «The Office» musical.
par Alexandre Hervaud
publié le 2 juillet 2009 à 16h29

«L'industrie musicale se meurt, mais un homme est persuadé qu'il peut la sauver. Quelque part, loin d'ici, il travaille dans son studio, attendant le prochain chanteur qu'il pourra métamorphoser en star. C'est homme, c'est Superproducer...» Sarcastique, l'intro de Superproducer donne le ton. Créée par l'entertainer canadien Gonzales et le jeune réalisateur Jonathan Barré , cette web-série comprend pour l'instant cinq épisodes qui seront postés une fois par semaine sur Dailymotion. Le pilote, mis en ligne vendredi dernier, narre les déboires du Superproducer avec un chanteur de R'n'B chrétien. Tournage façon documentaire et maladresse gênante du personnage principal par ailleurs totalement mégalo donnent au projet un côté The Office totalement assumé.

Superproducer est né d'un délire produit pour promouvoir Soft Power , le dernier album de Gonzales, sorti en avril 2008. Jonathan Barré et Gonzales, qui travaillent alors ensemble depuis un an (le réalisateur avait tenu un Myspace de fan qui avait bien plu à l'intéressé), découvrent les vidéos postées par l'américain Ryan Leslie sur YouTube . Musicien de génie, Leslie est un producteur qui a notamment travaillé pour Beyonce, Snoop Dogg, Britney Spears...et M. Pokora. Le gaillard est régulièrement filmé par ses potes en studio, pour dévoiler à ses fans les coulisses de la production de ses tubes. Pour Gonzales, Leslie est un homme «un peu mégalo et dominateur mais qu'on peut supporter, parce qu'il est talentueux» . Le résultat tape dans l'œil de Barré et Gonzales qui s'en inspirent pour un teaser de Soft Power . Ci-dessous, l'original du producteur US suivi par son détournement gonzo :

Tentés par l'idée de poursuivre l'expérience, les deux compères remettent ça et tournent plusieurs épisodes, avant de démarcher des boîtes de productions classiques. Très vite, la difficulté de tenir le rythme (et l'efficacité) nécessaire à une diffusion télévisuelle devient évidente. Le format web-série s'impose assez vite. «Superproducer est vraiment typique de ce qui est permis par le web, qu'on exploite à fond. Chaque titre entendu dans l'épisode est mis en ligne dès le lendemain sur le Myspace de la série, et téléchargeable sur quelques blogs musicaux» , explique Jonathan Barré, formé à l'école du clip viral. On lui doit d'ailleurs une autre création avec Gonzales (également dans le cadre de la promo de son dernier album), le trippant Art of the Interview à voir sur la web-tv Konbini .

En avant-première, nous avons pu voir les quatre autres épisodes de Superproducer . Sans en dévoiler la teneur, on peut toutefois annoncer qu'après le r'n'b chrétien, la série va taper dans (et sur) la chanson française sous Tranxène tendance Dellermique, la pop lolita, et le rap gay (avec en guest, un membre des excellents Puppetmastaz ). Sans le regretter, on peut toutefois s'étonner de l'absence d'invités plus médiatisés, compte tenu du carnet d'adresse de Gonzales. Pour Jonathan Barré, c'est en partie du à la réticence des célébrités françaises à casser leur image : «ils ont du mal à se parodier, contrairement aux américains comme Justin Timberlake qui n'hésite pas à se faire des tronches improbables pour Saturday Night Live» . Dans le genre frilosité, cet associé de Christophe Lambert (qui lui par contre, n'a pas hésité à verser dans le LOL dans Greystoke Anatomy pour les Remakers de Konbini) a été confronté à de beaux exemples de méfiance. «On cherchait un lieu où tourner une parodie du groupe Justice. Quand les patrons de clubs, au début partants, ont su de quoi il s'agissait, ils ont reculé, pour ne pas se griller avec le groupe. Et ça n'a rien arrangé de leur dire qu'on voulait remplacer leur fameuse croix par une étoile de David !»

Superproducer ne verse pas pour autant dans l'humour transgressif, loin de là --même si le refrain du rap gay, à base d'éjac faciale, n'enthousiasmera sans doute pas la ménagère connectée de moins de 50 ans. Niveau inspiration, outre les vidéos de Ryan Leslie et la sitcom The Office , Gonzales a beaucoup regardé Curb your enthousiasm , la série culte de HBO avec Larry David, le boss de Seinfeld à l'affiche du dernier Woody Allen . Le chanteur apprécie ces déboires de «gens qui n'ont pas vraiment de pouvoir, mais qui trouvent pourtant le moyen de régner en maître sur un environnement réduit» . Et le milieu de la musique fait sans problème l'affaire. «C'est un métier assez démodé, l'industrie musicale est un bateau qui coule» , confie Gonzales, qui admet «passer de moins en moins de temps en studio» , après avoir trouvé «d'autres façons de [s'] exprimer» . D'où ses doutes à l'idée d'une sortie physique d'un album compilant les chansons de la série. Pour lui, «ça serait peut-être en contradiction avec l'esprit du projet, une sortie numérique serait sans doute plus appropriée» .

Tournée depuis maintenant un an, cette première fournée d'épisodes (d'autres seront réalisés à la rentrée) est née de la «frustration» du chanteur liée à un projet parallèle, également audiovisuel : la série Music Box , qu'il prépare avec Teki Latex , du groupe TTC, et la réalisatrice Céline Sciamma ( La Naissance des Pieuvres ). «C'est plus ambitieux, ça nécessite une vraie production TV et la recherche du financement prend beaucoup de temps» , explique Gonzales, qui devrait jouer l'un des rôles principaux avec son comparse Teki. Cette histoire d'amitié entre deux losers en marge de l'industrie musicale (encore) est dans le collimateur de Canal+, mais rien n'est joué pour l'instant. On ne se fait pas de souci pour le récent recordman du plus long concert solo. Niveau endurance, il a fait ses preuves.

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